UN BARA DOLLY PEUT EN CACHER UN AUTRE

Dans la famille Dolly Mbacké, l’engagement politique est devenu une tradition. Un flambeau qui se transmet de père en fils avec des fortunes diverses. Sous ce magistère, c’est plutôt Serigne Cheikh Mbacké Bara Dolly et   Cheikh Abdou Mbacké Bara Dolly qui ont su tirer leur épingle du jeu. Grâce à leur alliance, la coalition gagnante Wattu Sénégal est arrivée en tête de la départementale à Mbacké lors des législatives. N’en déplaise à Serigne Modou Bara Dolly Mbacké, leur frère ainé.

Au commencement, il y avait Serigne Bara Dolly Mbacké. D’après ses fils, il a rallié le PDS en 1998. C’est ainsi qu’il a été élu deux fois députés. Le fils de Serigne Abdou Dia Mbacké  a aussi été sénateur. Dans la pure tradition mouride, sa progéniture lui emboite le pas.  Serigne Cheikh Bara Dolly Mbacké et   Cheikh Abdou Mbacké Bara Dolly revendiquent toujours leur appartenance à la famille libérale. Ce qui n’est pas le cas de leur frère ainé Serigne Modou Mbacké Bara Dolly. Ce dernier est membre du parti au pouvoir. Ses attaques  contre le pape du sopi, ses deux frères n’en ont cure. Tout de même, cette opposition ne saurait mettre en péril la relation fraternelle qui lie les petits fils de Serigne Mbacké Sokhna.

Les nouveaux maitres du Baol

Cheikh Abdou Mbacké nous confie qu’en 2000, Maitre Wade a signifié à Pape Diop qu’il n’a plus d’ambition présidentielle. Serigne Cheikh Bara Dolly Mbacké décide tout de même de poursuivre l’œuvre de son paternel auprès de Wade. Cheikh Abdou Mbacké lui intègre Bok Gis Gis. Un choix somme toute logique puisqu’il a été  conseillé spécial de Pape Diop, alors président du Sénat. Ce manque d’unité a eu cependant pour effet la perte du département de Mbacké lors des législatives de 2012 regrette Cheikh Bara Dolly Mbacké. Mais, ce n’était que partie remise. Lors des législatives de 2017, il ne fallait plus commettre la même erreur. Grâce à leur pragmatisme, les deux frères Dolly réussirent à gagner dans le département de Mbacké. Par contre, que ce fut difficile. Cheikh Bara Dolly Mbacké est accusé d’actes de vandalisme le jour même des élections. Il est par conséquent arrêté par les forces de l’ordre. Venu lui rendre visite avec un certain Assane Mbacké, Cheikh Abdou Mbacké connait lui aussi le même sort. Ce faisant, nos interlocuteurs n’ont pas pu voter. Il s’en est suivi des auditions durant 10 jours par les services de la division des investigations criminelles, se rappelle-t-ils. Mais, le jeu en valait la chandelle. En tant que dignes héritiers de leur père, les deux frères Dolly sont installés aujourd’hui dans le même bureau à l’hémicycle. Un bâtiment tout neuf abrite leur étroit bureau.

Des trajectoires opposées

L’Assemblée Nationale est sans doute l’institution la plus représentative du pays. Dans les couloirs de l’hémicycle, il faudra désormais s’habituer à la présence des intellectuels produits par les Daaras. Cheikh Abdou Mbacké et son grand frère sont venus grossir leur rang. Agé d’à peine 37 ans, le plus jeune a obtenu son bac à l’école Al Azhar de Serigne Mourtala. Serigne Cheikh Mbacké quant à lui a fait ses études coraniques à Sam Yabal. Ensuite, il est allé à Taïba Dakar « qui faisait partie en ce temps des écoles coraniques les plus reconnues du Sénégal à côté de celle de Serigne Mor Mbaye Cissé et celle de Kocki ». A l’instar de Cheikh Abdou Mbacké, il a aussi fréquenté l’école Al Azhar. Toutefois, Serigne Cheikh Bara Dolly Mbacké ne s’est pas arrêté là. Après l’obtention de son certificat, il a suivi un peu le système occidental jusqu’à la classe de cinquième secondaire. Cette époque se rappelle-t-il coïncide d’avec les fameuses grèves de 1988. Serigne Cheikh Mbacké faisait partie des meneurs. Il a cet effet   été radié. En dehors de l’école, les frères Dolly se consacrent aussi à l’élevage. D’ailleurs, leur surnom renvoie au fameux Ranch de Dolly où leur famille possède plusieurs terres. Les parlementaires ont en outre beaucoup voyagé. Cela leur a été facilité par le statut de député de leur paternel disent-ils. Agé de 41 ans, Serigne Cheikh affirme que ce privilège lui a permis de rencontrer les talibés à travers le monde dans le cadre de conférences qu’il animait. Pour ce qui est de Cheikh Abdou, il s’agissait plutôt de travailler dans une usine qui fabrique des vélos en Italie.

Retour perpétuel aux sources

Leur nouveau statut, les frères Dolly le doivent bien sûr aux habitants de Touba. Cela, ils comptent bien le leur rendre. D’ailleurs, ils font constamment des incursions dans la capitale du mouridisme. Dernièrement, ils se sont signalés en organisant une conférence de presse pour démentir les révélations d’Aminata Touré concernant les sommes qui auraient été recouvrées dans le cadre de la traque des biens mal acquis. Lors du vote du budget du ministère de l’hydraulique, Mansour Faye s’est heurté à leur désapprobation concernant la fourniture de l’eau à Touba. Alors que le ministre affirme que la gratuité ne peut plus continuer, Cheikh Abdou Mbacké reste catégorique. Il accuse même l’auteur de cette proposition d’hérésie puisque dit-il, cette norme a été voulue par le fondateur du mouridisme.  Dans le même registre, il déplore le dernier  rapport de l’OFNAC qui  pointe un doigt accusateur sur la région de Diourbel.

En lieu et place de critiques, les deux députés réclament un meilleur accès à l’électricité, une sécurité renforcée et bien sûr plus de forages pour leur localité. Ils affirment que  la TVA perçue lors du Magal et la taxe communale sur l’électricité peuvent à elles seules résoudre ces problèmes. D’autant plus que disent-ils, Touba a su se moderniser sans l’aide de l’Etat. Leur ambition est aussi de faire de telle sorte que les arabophones puissent avoir les mêmes chances que les francophones. La délivrance du bac arabe est saluée. Ils déclarent  néanmoins qu’il faut aussi penser à la formation entre autres. Le fait que le budget destiné à la modernisation des Daaras soit revue à la baisse ne les rassure guère. Selon Cheikh Abdou Mbacké, celui-ci est tombé aujourd’hui à 600 millions alors qu’il était de trois milliards en 2017.