Je voudrai partager mon témoignage sur Bassirou Diomaye Faye Jiom May (celui qui est plein d’honneur et de dignité) avec qui j’ai travaillé pendant plus de deux mois avant, pendant et après les élections locales de janvier 2022.
Bassirou a également un second prénom seereer Diakhar « Jaaxar, oxaa, jaxidkeerna c’est-à-dire « qui ne peut avoir peur, qui n’est pas peureux, courageux, ardi ».
Jeune cadre des impôts et domaines, militant engagé du parti dissout PASTEF, Bassirou croupit en prison depuis le 14 avril 2023.
Sa sensibilité envers les couches vulnérables, son aversion contre l’injustice, son sens de l’écoute, son calme légendaire, sa générosité, son intelligence, son engagement et sa détermination à lutter contre la pauvreté entre autres m’ont beaucoup marqué et inspiré à porter ce témoignage sur celui qui a été arrêté le 14 avril 2023 pour diffamation sur un corps constitué, actes et manœuvres de nature à compromettre la sécurité publique, et outrage à magistrat.
Bassirou Diomaye Diakhar FAYE est issu d’une famille qui a marqué Ndiaganiao du point de vue de son histoire pendant la période coloniale.
Son grand père Ndiouma Kor FAYE est un ancien combattant de la première guerre mondiale (1914-1918). Il participa à la bataille de Verdun de 1916 et fut gravement blessé.
Considéré comme un blessé de guerre il fut libéré et rentra au Sénégal en 1918.
Ancien combattant, Lamane (propriétaire terrien 1930-1963) et chef du village de NDiandiaye (1963-1969) il s’opposa à la maltraitance des populations locales qui étaient soumises aux travaux forcés collectifs de toute sorte.
Il a eu à conduire une révolte populaire contre ces pratiques violentes imposées par le pouvoir colonial à travers ses représentants locaux, en occurrence les chefs de cantons.
Par ailleurs, il a entrepris beaucoup de démarches avec les anciens combattants et des notables du canton de Ndiaganiao, pour l’ouverture de la première école élémentaire du Canton d’alors.
En effet, il avait compris très tôt le rôle central de l’école et de l’éducation dans la lutte pour l’émancipation sociale des populations rurales.
C’est dans le cadre de cette campagne qu’il a été arrêté de force et mis en prison à Podor sept (7) mois durant.
Après sa libération, revenu au terroir, il poursuivit la lutte jusqu’à l’ouverture de l’école élémentaire de Ndiaganiao en 1946.
En reconnaissance de ces bienfaits et sacrifices pour les populations de Ndiaganiao, les jeunes de la localité ont pris l’heureuse initiative d’organiser en sa mémoire, le 12 avril 1997, un festival de musique africaine pour l’éducation au stade Demba Diop avec la présence de grands artistes américains, parmi lesquels les membres de la famille de Michael Jackson , et d’autres comme Gordon Thomson acteur de Dynastie, Logan West Brook, ancien vice-président de capital Record et son épouse Gerry West Brook, Mutabaruka musicien Jamaïcain.
Le lycée de Ndiaganiao a été baptisé le 15 mai 2018 à son nom : Lycée Ndiouma Kor Faye.
De ses parents, de son milieu traditionnel, comme au niveau de l’école privée catholique de Ndiaganiao où il a fait ses études élémentaires en passant par le CEM de Ndiaganiao et par le lycée Demba DIOP de Mbour, Bassirou Diomaye Diakhar Faye a reçu une éducation bien soutenue et encadrée.
Son père un homme politique et chef de village bien respecté s’est toujours battu pour le développement de son terroir et s’est sacrifié pour l’éducation de ses enfants malgré les lourdes charges familiales et les contraintes de la vie politique.
Sa maman une brave dame ne sachant ni lire ni écrire nonobstant les dures travaux domestiques auxquels elle s’acquittait quotidiennement, s’est toujours assurée que ses enfants avaient fait leurs devoirs et appris leurs Lessons.
Selon Bassirou Diomaye, ses parents, avec qui il entretient de solides rapports de confiance et de confidentialité ont cultivé en lui le goût du travail bienfait et un esprit de compétition mais une compétition saine et de mérite.
Diomaye Diakhar est attaché à son terroir et à sa culture seereer qui lui servent de boussole et de référence dans tous les domaines de la vie en société particulièrement sur le plan professionnel où il adore la qualité, le goût du perfectionnement, le travail bien fait, et l’intransigeance dans l’éthique et le culte de l’excellence ce que confirme son collègue Waly Diouf Bodian « un agent consciencieux et techniquement irréprochable. Il tient avec brio depuis 5 ans, le très stratégique bureau du contentieux de la direction de la législation. La dernière preuve de sa haute conscience professionnelle m’a été rapporté le jour de son arrestation. Nonobstant la présence de la police dans le couloir de la DGID, il a tenu à finir et envoyer le dernier dossier à 22h pour respecter le plan de travail ».
Quelle conscience professionnelle !
Diomaye Diakhar a été initié au NDUT, cette grande école des hommes, à l’âge de 12 ans alors qu’il était en classe de CM2.
Le NDUT étymologiquement signifie « NID ». Selon Salif DIONE « comme l’oiseau après la couvaison initie ses oisillons au vol, de même c’est dans le NDUT que le seereer apprend la vie en communauté ».
C’est un espace ésotérique et Diomaye Diakhar en a découvert de ses mystères.
Dans le NDUT on met en œuvre quatre moyens d’éducation : (les chants, les devinettes, les épreuves physiques, la pédagogie nominale).
Durant toute la période du NDUT (1 à 3 mois règne l’ordre, l’harmonie, l’équilibre et la sécurité dans le village).
Le NDUT est marqué par une éducation visant à inculquer aux initiés les hautes valeurs et conduites qu’exigent la société traditionnelle : le courage, le sacrifice, le don de soi au profit de la société, la solidarité, le respect de la parole donnée, le culte de l’honneur, la dignité, l’endurance etc.
Selon Eloi FAYE de la même classe d’âge que Diomaye, « ce dernier était assidu au cours de l’initiation et autres rituels du NDUT. C’est un modèle au sein de notre classe d’âge comme dans les organisations associatives de la commune de Ndiaganiao. Etudiant, il jouait au Navétane et participait aux activités culturelles de la localité. Il fut président de l’ASC Ndiandiaye».
Bassirou comme son grand-père Ndiouma Cor abhorre l’injustice.
Il s’est opposé à l’accaparement des terres des populations paysannes de NDINGLER dans la commune de Ndiaganiao.
Avec lui le combat mené par les populations contre l’accaparement abusif et arbitraire de leurs terres agricoles a eu des répercussions au niveau national voire international. Abdoulaye DIONE Galgore ex-chef du village de NDENGLER et deux autres personnes ont été délégués pour rendre visite à Bassirou à la prison du Cap Manuel en reconnaissance de son soutien.
Il témoigne : nous avons trouvé un grand Diomaye souriant et digne. Nous sommes rentrés, meurtri mais fier de notre fils que nous voulons retrouver libre.
Bassirou a offert sans tambour ni trompette une ambulance au poste de sante de Ndiaganiao. Pour lui, c’est un devoir qu’un fils participe au bien-être de ses proches. De même sachant que l’éducation est la clé du développement, il fait partie des précurseurs des révisions collectives, des cours de philosophie et de français pour les élèves en classe d’examen chaque année à Ndiaganiao.
Il a soutenu beaucoup de personnes dans le besoin, des villages, des ASC, des associations de jeunes, de femmes, d’élèves, et d’étudiants et autant que possible dans la discrétion nous confie son ami et promotionnaire Irénée kéyi Gning «Bassirou préfère donner sans témoin parce qu’il a le sens élevé du sutura (la discrétion) ».
Grace à Bassirou, plus de 500 femmes ont été formées en teinture, fabrication d’eau de javel entres autres et plus de 300 ont bénéficié de consultations médicales gratuites pour prévenir contre le cancer du col de l’utérus.
Grace à cet investissement humain, certaines femmes qui développaient déjà cette maladie avaient été prises en charge convenablement.
Ces œuvres désintéressées sont encadrées de discrétion au point qu’il invite les bénéficiaires d’en garder le secret dans la mesure du possible.
Déclaré ou non, objectivement ces actions de bienfaisance ont impacté positivement les bénéficiaires.
Bassirou s’est fait siennes ces paroles du Pape Jean Paul II « le bien que l’on fait, le ciel le rend ; le bien que l’on garde, la terre le prend ; on ne donne jamais rien sans n’avoir reçu ; et tout ce qui n’est pas donné est perdu ».
L’école privée catholique lui a inculqué des valeurs : une rigueur dans le travail, une bonne conduite, l’humanisme, l’esprit de tolérance et d’ouverture.
Fervent musulman, très pieux, Bassirou compte parmi ses amis de nombreux chrétiens qui, chaque année partage son mouton de Tabaski. Il reçoit aussi d’eux, à la fin du carême le « Ngalax ». Son maitre du CM2 Bernard Ngor SARR se rappelle : « un élève intelligent, très calme, travailleur, toujours parmi les premiers, respecté par ses camarades, se comportant avec une maturité et un sens si élevé de responsabilités comme s’il s’agissait d’un adulte ». Au CEM de Ndiaganiao entre les élèves venant du privé Catholique et ceux issus des établissements publics de la communauté rurale s’est instaurée une saine émulation en classe et même aux heures de récréation. Avec un groupe d’amis ils avaient organisé un symbole assorti d’une amende dont les sommes collectées étaient en partie réutilisées pour faire face à des frais d’intérêts collectifs.
Après la troisième, le BFEM en poche, Bassirou est orienté au lycée Demba Diop de Mbour, loin de ses parents. Mais son parcours antérieur dans l’endurance, face aux obstacles les plus durs d’un enfant du milieu rural l’ont bien armé au point qu’à Mbour il a su surmonter les difficultés qu’il a rencontrées comme la longue distance de plus de quatre kilomètres à parcourir à l’aller comme au retour. Ce beau texte en annexe que lui a dédié son ami Irénée Kéyi GNING ne fait que confirmer nos propos.
Moralement armé, il réussit au bac et fut orienté à la faculté des sciences juridiques et politiques de l’université Cheikh Anta DIOP de Dakar.
Cette même dynamique de travail l’a accompagné durant son parcours à l’UCAD et à l’ENA où il est entré et sorti parmi les premiers.
Vu le parcours ainsi tracé, marqué par l’exemplarité dans le comportement, les bons résultats de son travail scolaire, universitaire comme professionnelle, on peut conclure que Bassirou Diomaye Diakhar FAYE est un homme compétent et de bonne conduite. Qu’il porte le nom de Diomaye qui est une forme contractée du mot seereer Jiom (honneur, amour propre, dignité personnelle, la pudeur, l’émulation) et May (pleins) qui donne Jiom May, (celui qui est plein d’honneur et de dignité) est sans doute plus qu’une heureuse coïncidence mais, un choix éclairé de ses parents.
Cet homme là est un grand patriote !
NB : Ce témoignage lui a été envoyé le 21 octobre 2023. Bassirou a demandé de ne pas le publier à cette période pour éviter de donner l’impression de faire sa promotion dans l’éventualité d’un choix alternatif.
Grégoire Biram Ngom
Ancien Député, ancien Sénateur.
ANNEXE
EN ATTENDANT L’ABSOLUTION
Je t’ai encore trouvé fort.
A mon exclamation : »O koor es, tige gey a miñaa ! »
Tu répondis : »un repos et une santé bâtis sur la foi en Roog, o ngim Roog soom. »
Finalement est prisonnier, celui qui porte en lui le poids de ses privations.
Vite, nous replongeâmes dans une réminiscence d’un adolescent des campagnes, du seereer :
Qui a passé la nuit à l’étable ;
Qui a frôlé la mort sous la foudre ;
Qui, la nuit, parfois pieds nus évitait les reptiles et insectes venimeux ;
Qui s’est couvert, chanceux et dans son drap un scorpion ;
Dont les pieds sont percés par les épineux du Dieri, du Sahel ;
Qui sous le chaud soleil, la sueur salée couvrait son visage noirci ;
Qui chantait et criait, l’Hiller fendillant le sol de midi, jambaar ;
Qui levait ses yeux sous un soleil de plomb, entouré de tiges de mil déchirant ses mollets et côtes ;
Qui apercevait les calebasses superposées de ngurbaan de sa brave mère ;
Qui, à la descente du labour et du labeur, replongeait dans l’herbe, fusilles à la main trouvant nourriture aux bêtes devenues compagnons et amis.
Qui avait soif et s’abreuvait au marigot le plus proche et parfois sur les traces de sabots des troupeaux ;
C’était peut-être dur mais suffisant pour affronter la guillotine de l’injustice. La force du mental et de l’obéissance aux aînés de temps en temps protecteurs, annihilaient toute souffrance.
Ce n’est pour rien qu’en seereer, les mêmes verbes et substantifs »cal, jal, calel, calat… » désignent et le travail et le rire. Cette prétendue difficulté est pour nous un jeu, une joie d’être dans la souffrance qui forme et forge l’être humain.
De cette école, tu es sorti, tu en es l’un des nombreux produits du monde rural. C’est dans le travail qu’a grandi l’enfant du terroir, Njañaaw. Le hasard n’existe pas, c’est au champ, au travail que tu as été arrêté. Servir est ton quotidien, ta vie.
Merci chers parents Seereer, de Njañaaw, du Jegem, de partout sur cette terre, cette partie pour la formation reçue. Tout est école !
Diomaye,
Sûrement ta force d’être resté toi-même est venue de là. Reste fort kor Marie Faye !
Ɗom xupkateer njaaƈ ndeɓ.
A moof ale xupkateer ke moofoona yaam Roog fage too weeceer o ƥeem.
Ɗaani, liiri, foɗtooxi, too ñaami boo giñ.
Roog soom refu o maad, jegee mberandoong too fagkeer muk.
kéyi Gning, Njañaaw