Discours du Président
Cher Emmanuel,
Chers collègues,
Mesdames, Messieurs,
Tout d’abord, merci cher Emmanuel pour ton accueil chaleureux et pour cette importante initiative sur le financement des économies africaines. Le contexte de la pandémie COVID-19 rend encore plus pertinente la tenue de ce Sommet.
Pour la première fois depuis plus de 20 ans, l’Afrique qui affichait jusque-là des taux de croissance supérieurs à la moyenne mondiale, est en récession, à l’exception de quelques rares pays.
Face à ce choc sans précédent, des partenaires bilatéraux et multilatéraux, notamment la Team Europe, le FMI, la Banque Mondiale, le G20 et la Banque Africaine de Développement, se sont mobilisés pour soutenir nos efforts de résilience, aussi bien par l’initiative de suspension du service de la dette que par la mise à disposition de liquidités.
Il faut reconnaître et saluer ces efforts qui seront confortés par l’allocation prochaine de nouveaux DTS à hauteur de 650 milliards de dollars $US, dont 33 milliards destinés à l’Afrique. Mais face à l’impact profond de la crise, ces mesures restent insuffisantes.
A titre d’exemple, rien que pour les pays africains à faible revenu, le FMI estime le besoin de financement additionnel entre 135 et 205 milliards de dollars d’ici à 2025.
Je lance un appel aux pays du G20, qui recevront plus de 2/3 des nouvelles allocations de DTS, afin qu’ils réallouent leurs quotas en appui aux efforts de relance des pays africains, sous forme de dons, de prêts concessionnels et semi-concessionnels à longue maturité.
Par souci d’efficacité et de diligence, nous souhaitons que les réallocations se fassent via des institutions internationales et africaines appropriées.
Mais au-delà des solutions conjoncturelles, l’Afrique a surtout besoin d’une réforme de la gouvernance économique et financière mondiale, avec des mécanismes innovants, nous permettant d’accéder aux marchés de capitaux à des coûts soutenables et selon des maturités adaptées aux actifs à financer. C’est une nécessité vitale pour nos économies. Autrement, tous les efforts d’émergence resteront vains.
Nous sommes à l’étape du processus de développement où, à l’image d’un avion prêt à décoller, qui met plein gaz, nous devons mobiliser toutes les ressources disponibles pour amorcer l’émergence.
Partout en Afrique, les besoins sont nombreux et urgents, et l’Etat doit encore beaucoup faire, surtout en matière d’infrastructures de base, exploitables sur le long terme, et qui demandent des financements lourds.
S’y ajoutent les dépenses incompressibles en matière de sécurité et d’adaptation au changement climatique ; parce qu’il faut faire face au péril pressant du terrorisme, mais également prendre en charge la transition énergétique pour ne pas emprunter les mêmes schémas pollueurs que les pays industrialisés, conformément à l’Accord de Paris sur le climat.
Mais, et je le dis très honnêtement, trois obstacles majeurs plombent tous nos efforts :
Un, le plafonnement de l’endettement (à 70% du PIB pour les pays membres de l’UEMOA) ;
Deux, le seuil de 3% du déficit budgétaire à ne pas dépasser ;
Trois, le coût élevé des primes d’assurance, à cause d’une perception exagérée du risque d’investir en Afrique, alors même que pour nombre de pays africains, ce risque n’est guère plus élevé qu’ailleurs.
Sur ces trois points, je continue de plaider pour une réforme urgente des règles, notamment celles de l’OCDE sur les conditions d’octroi des crédits export. On ne peut pas appliquer les mêmes standards à des pays à forces et besoins inégaux.
Nous voulons un assouplissement des règles de plafonnement de l’endettement et du déficit budgétaire, et une correction de la perception du risque d’investissement en Afrique, pour une notation plus juste, et donc des coûts de primes d’assurance moins élevés.
C’est ce paquet de réformes qui facilitera l’accès de nos pays aux ressources nécessaires au financement de leurs efforts de relance et d’émergence.
Cela dit, nous convenons aussi qu’il faut poursuivre les réformes à l’échelle nationale pour faciliter l’investissement, simplifier et élargir la base d’imposition fiscale afin d’accroitre la mobilisation des ressources internes, et soutenir la transparence budgétaire.
C’est le sens de nos efforts dans le cadre du Doing buisness et du Compact with Africa. Je dois remercier la Chancelière Merkel pour tous les efforts qu’elle consacre à cette initiative et son soutien au partenariat sénégalo-allemand dans ce domaine.
Pour conclure, je dirai que ce sommet sera une réussite s’il parvient à établir et porter une dynamique novatrice à trois niveaux : un, la réforme ; deux, un nouvel état d’esprit de partenariat ; et trois, de nouveaux paradigmes pour un New Deal, à défaut d’un Plan Marshal pour l’Afrique. Je vous remercie.