C’est avec une grande peine que nous observons les tâtonnements inacceptables du Ministère de l’éducation nationale (MEN). Un recrutement spécial était lancé et on avait annoncé que tout serait fait pour que ceux sélectionnés soient opérationnels au cours du mois de février. Nous sommes en mi-mars et la liste n’est pas encore publiée.
Ce retard de la publication de la liste ne doit pas surprendre. Le nombre très important de candidats est une évidence, les diplômés sans emplois sont des milliers dans le pays. Il fallait soit faire comme sous l’ancien régime, c’est-à-dire choisir la clientèle politique sur la base de listes des responsables politiques, pour aller vite, soit sélectionner objectivement sur la base de critères. Le régime aurait opté pour cette dernière, ce qui expliquerait les lenteurs.
Ainsi, ces futurs enseignants ne devraient prendre service au plus tôt en avril. Au cas échéant, ils feraient juste 2 mois de cours dans l’année scolaire 2024-2025. Ce serait au cours du troisième et dernier trimestre dans l’élémentaire ( deux trimestres se sont déjà écoulés) et du deuxième et dernier semestre dans les collèges et lycées.
Les compositions du troisième trimestre dans l’élémentaire et du second semestre dans le moyen secondaire se tiennent en fin mai début juin.
Aucun acteur sérieux de l’école ne doit souhaiter à un élève un changement d’enseignant en ces moments d’une année scolaire. Le nouveau prendra du temps pour être carrément dans la peau d’un titulaire de la classe et les élèves seront désorientés. Et s’il s’agit de quelqu’un qui n’a jamais enseigné, ces deux mois seront une période d’apprentissage, ses performances seront très limitées.
Ces futurs enseignants seront affectés dans les zones éloignées où il y a un déficit, ils auront besoin d’un temps d’adaptation et de socialisation. Cela va forcément impacter leurs performances.
C’est le déficit d’enseignants qui était avancé pour justifier le recrutement spécial. La cause est réelle mais la résolution est impertinente.
Le MEN a fait l’état des lieux depuis le mois de septembre. C’est alors aberrant d’attendre le mois janvier pour lancer un recrutement spécial. Si cela était réellement nécessaire, il fallait le faire très tôt.
Et d’ailleurs, c’est impertinent de procéder à un recrutement spécial dans ces conditions.
Un MEN qui connaît le système, qui est bien entouré et qui est courageux, aurait dû dire au Premier ministre qu’il n’y a pas réellement un déficit d’enseignants, il y a plutôt une mauvaise utilisation de ceux-ci. Il y a un sureffectif dans beaucoup d’écoles élémentaires des grandes villes.
Dans beaucoup de collèges et de lycées, il y a un sureffectif de surveillants, certains y sont affectés par clientelisme.
Dans les Inspections de l’Education et de la Formation ( IEF) et les Inspections d’académie ( IA) il y a des enseignants en sureffectif, qui y sont par clientelisme.
Le MEN est bondé d’enseignants en errance, qui y sont par clientelisme.
D’autres ministères disposent d’un stock d’enseignants sans utilité pour le service. Le Ministre de l’urbanisme, Moussa Balla Fofana a montré la voie en mettant à la disposition du ministère de la fonction publique, des dizaines d’enseignants qui étaient casés dans son ministère par son prédécesseur.
On aurait dû faire la même chose partout, le gap ne serait pas comblé mais cela aurait permis de gérer l’année et attendre ceux formés dans les CRFPE pour l’élémentaire et à la FASTEF pour le moyen secondaire. Et au préalable, le quota annoncé pour le recrutement spécial serait ajouté aux listes des admis au CREM et à la FASTEF. Le problème serait réglé sans débourser un centime de FCFA, les enseignants en service dans ces structures sont déjà payés par l’Etat.
Ce qui se dessine ne comporte aucun avantage.
D’abord, les titulaires de diplôme professionnel qui sont dans le privé et qui seront recrutés vont créer beaucoup de problèmes dans ces structures où il faudra chercher de nouveaux enseignants, sans formation et leur confier des classes à deux mois de la fin de l’année. Ce serait la catastrophe !!!! Les enfants qui sont dans ces écoles sont des Sénégalais, sous la tutelle du MEN, ils ont droit à une éducation de qualité.
Ensuite, ces enseignants recrutés et affectés à deux mois de la fin de l’année scolaire vont causer des réaménagements trop tardifs d’emplois du temps et ne pourront pas apporter une plus-value
aux apprenants.
Enfin, on aurait encore dans le système, des enseignants sans formation. De nombreux enseignants du privé titulaires de diplôme professionnel sont frappés par la limite d’âge ils n’ont pas pu déposer, le MEN serait obligé de recruter des titulaires de diplômes académiques, sans formation ou expérience professionnelle.
Babacar Diouf, professeur d’histoire et de géographie au lycée de Nguekokh