Si tout le monde faisait chez soi ce qu’il a fait à Bambali
L’international sénégalais de football, Sadio Mané, a été reçu en audience le jeudi 10 juin 2021, par le Président Macky Sall. Le but principal de l’audience était, pour ce footballeur professionnel, d’annoncer au chef de l’Etat sa décision de faire don à l’Etat du Sénégal d’un hôpital qu’il venait de construire dans son village natal de Bambali (Sédhiou). Il demandait ainsi que des fonctionnaires des services de santé soient affectés au niveau de la nouvelle infrastructure de santé. Le Président Sall lui a donné l’assurance que l’Etat du Sénégal ne manquera pas de jouer sa partition. Il y a deux ans de cela, précisément le 3 juin 2019, quand il venait de remporter la Coupe d’Europe des Champions avec Liverpool Fc, nous lui rendions hommage en nous félicitant notamment de l’altruisme de celui que nous appelions «Sadio, the special Man(é)». Nous écrivions que «le lien que Sadio Mané a gardé et continue d’entretenir avec son patelin d’origine, force le respect et l’admiration. Il est épatant de voir un jeune qui n’a pas réussi par les études, accorder autant d’importance à l’école, jusqu’à construire un lycée dans son village. On ne peut qu’avoir de l’admiration pour un enfant prodigue qui se souvient de ses origines pour édifier une bâtisse digne de loger des têtes couronnées du monde dans un village que d’aucuns pourraient considérer comme un trou perdu. On ne peut ne pas citer en exemple cet autre geste de Sadio Mané, qui pourvoit des financements au profit des femmes de son patelin pour les aider à développer leurs petits commerces et autres activités génératrices de revenus. Combien de footballeurs et d’autres vedettes ont gagné autant d’argent sinon bien plus que Sadio Mané, sans jamais regarder dans le rétroviseur et surtout songer chercher à tirer les leurs vers le haut ? Sadio Mané prévoit de construire dans son village un hôpital ou un dispensaire. Il fait tout cela dans une discrétion absolue. Il n’y a pas de bling bling dans les actions de Sadio Mané, comme d’ailleurs dans sa vie de tous les jours. Combien de stars inaugurent des réalisations à grands coups de renforts médiatiques ? Pour savoir ce que Sadio Mané fait pour son village, il faut aller à Bambali. Sur place, les amis d’enfance et leurs parents raconteront avec fierté et émotion, les nombreux gestes de secours et l’assistance que prodigue Sadio Mané au grand bénéfice des populations. (…) Ce n’est pas tout le monde qui, après avoir réussi socialement ou s’être réalisé, ouvre les portes de sa maison à ses camarades de jeux d’enfance ou aux inconnus». Sadio Mané vient donc de terminer l’hôpital dont il avait entamé les travaux. La réalisation aura coûté 350 millions de francs Cfa et va participer à améliorer l’offre de santé dans la nouvelle région de Sédhiou qui va aussi inaugurer prochainement un nouvel hôpital régional de quelque 150 lits, réalisé par l’Etat du Sénégal. On ne peut donc qu’être reconnaissant à Sadio Mané et espérer qu’il va ainsi donner l’exemple à tous ses compatriotes et faire des émules parmi tous ceux qui ont la chance de réussir comme lui. Il faut dire que d’autres s’y étaient essayés avant lui, en faisant des réalisations parfois importantes pour leurs terroirs d’origine mais force est de dire qu’il est bien rare, dans le milieu des sportifs sénégalais de haut niveau, de voir autant d’altruisme et de générosité pour investir au profit de sa communauté. A la vérité, si tout le monde faisait comme Sadio Mané, bien des hameaux auraient changé de visage pour accéder à l’eau courante, à l’électricité, aux services de santé de base et à l’éducation !
La Fifa ne paie pas de primes en fonction de la couleur de la peau des joueurs
A la fin du match amical joué contre le Cap-Vert, le mardi 8 juin 2021 à Thiès, Sadio Mané a eu à déplorer l’état de la pelouse du stade Lat-Dior qui ne permettrait pas aux joueurs de s’épanouir ou de donner le meilleur d’eux-mêmes. Le président de la Fédération sénégalaise de Football, Me Augustin Senghor, de prendre la mouche, s’offusquant de cette remarque du reste on ne peut plus légitime. Me Senghor a cherché à tancer Sadio Mané pour une incartade qui ne saurait en être une. Il lui rétorqua que les conditions de jeu en Afrique ne sauraient être les mêmes que celles du stade Anfield de Liverpool. Le ministre des Sports, Matar Ba, va jouer au «finisseur», en répondant de manière cinglante à Sadio Mané, lui intimant : «Mettez-vous dans la tête qu’on est en Afrique!» L’intention n’est sans doute pas de jeter le footballeur en pâture, mais la maladresse dont ont fait montre Me Senghor et le ministre Ba est inexcusable. Qu’est-ce cela changerait d’être en Afrique ou d’être en Europe pour demander à jouer dans de bons stades, sur de bonnes pelouses, dans de bonnes conditions, qui permettraient les meilleures performances sportives ? N’est-ce pas qu’en Afrique nous construisons des stades aussi chers que ceux construits en Europe ? N’est-ce pas que ce sont ces sportifs africains qui jouent dans ces aires de jeu d’Europe et auxquels nous faisons appel pour venir jouer en Equipe nationale ? Les équipes nationales font souvent appel à des joueurs qui, avant leur sélection, n’avaient jamais mis les pieds sur un terrain de football en Afrique. N’est-ce pas que les règles de jeu et les standards internationaux du football sont les mêmes sur tous les continents ? Les normes d’homologation des stades sont identiques partout. Est-ce que la Fifa fait de la discrimination dans la répartition des primes de qualification et de performance aux équipes nationales en fonction des continents ? Ces primes sont destinées à améliorer les infrastructures sportives et à développer des politiques pour hisser les sportifs aux plus hauts standards de performance. N’aspirons-nous pas à battre les plus grandes équipes de football du monde ? L’Afrique ne cherche-t-elle pas à chaque fois à abriter une nouvelle Coupe du monde, après celle organisée en Afrique du Sud en 2010 ? D’ailleurs, quelle est cette conception réductrice de la qualité des infrastructures en Afrique, alors que nous payons le même prix et les travaux sont réalisés par des firmes présentant pratiquement les mêmes références ? C’est dire que la question ne devrait pas être d’accepter des infrastructures, outils et moyens moins valorisants que ceux d’Europe. En Coupe du monde de football, partout où se tiendrait la compétition, les joueurs officient dans les mêmes conditions que ce serait si c’était en Europe. Pourquoi alors ne pas les avoir ou chercher à les avoir chez soi, pour s’y habituer et s’y préparer ?
Le stade de Diamniadio risque de connaître le sort de Demba Diop ou de Léopold Sédar Senghor
La réponse que le Président Macky Sall a, lui aussi, donné à Sadio Mané, après avoir ri avec lui de la remarque du footballeur, n’est pas mieux inspirée que celle de Matar Ba ou de Me Senghor. Le Président Sall aurait cherché à consoler Sadio Mané et ses coéquipiers de l’Equipe nationale, précisant que le Sénégal est en train de construire un nouveau stade moderne à Diamniadio, qui répondra à leur souhait. Soit ! Mais il faut dire qu’avant ce stade de Diamniadio, le Sénégal disposait de bien d’autres stades qui satisfaisaient aux attentes des footballeurs et où ces derniers jouaient sans se lamenter des conditions de jeu. Jamais par exemple, un Sadio Mané n’avait auparavant trouvé à faire une sortie pour critiquer une aire de jeu au Sénégal. Il a fait une telle sortie parce que justement, les infrastructures sportives se sont davantage dégradées. Sa sortie ne saurait donc être du snobisme, du caprice pour ne pas dire du chichi. En l’occurrence, tout le monde sait qu’une telle façon d’être ne ressemble pas au personnage de Sadio Mané, bien connu pour sa simplicité, sa modestie et…. son humilité. La question est que les aires de jeu se sont dégradées faute de maintenance par les autorités gouvernementales et sportives. Cette carence ne saurait être de la responsabilité des joueurs mais bien de celle des personnes qui engloutissent régulièrement des deniers publics dans des chantiers, sans pour autant que la qualité des travaux ne réponde aux attentes. Le laxisme et cette politique de chercher à culpabiliser des gens comme Sadio Mané, nous ont valu la situation qu’au Sénégal, aucun stade n’arrive à satisfaire aux exigences fixées par la Fifa et que le Sénégal serait obligé de devoir disputer dans un pays tiers, ses matchs de qualification pour la prochaine Coupe du monde. C’est d’ailleurs du fait de cette fuite de responsabilité ou fuite en avant que nous soulignions, le 10 mai 2021, dans ces colonnes, que «(…) il est difficile de ne pas éprouver un sentiment de colère quand on entend les autorités du ministère des Sports et de la Fédération sénégalaise de football s’essayer à justifier l’injustifiable ou défendre l’indéfendable. Le Sénégal ne dispose plus, à la date d’aujourd’hui, d’un stade répondant aux normes édictées par la Fifa pour organiser un match de qualification en Coupe du monde. Cette situation est assurément indigne du statut et des performances de l’Equipe nationale de football du Sénégal, mais aussi de la renommée des footballeurs sénégalais à travers le monde. Le Sénégal détient le bonnet d’âne, car il est le seul pays au monde ayant participé à deux reprises à une phase finale de Coupe du monde de football, et ayant disputé deux finales de Coupe d’Afrique des Nations et qui ne peut trouver sur son sol un terrain en mesure d’accueillir un match international. Le Sénégal sera bien obligé d’aller chercher à jouer à Conakry, ou à Banjul, ou à Nouakchott, ou à Bamako, ou à Bissau».(… ). La maintenance, encore la maintenance (!) a fait défaut pour que le stade Léopold Sédar Senghor de Dakar ou le stade Lat-Dior de Thiès ou le stade Demba Diop de Dakar ou le stade Aline Sitoé Diatta de Ziguinchor ne puissent rester aux normes. Et Dieu sait que bien des marchés publics avaient été passés pour la réfection de ces différents stades !». En d’autres termes, le Président Macky Sall a bien raison de dire qu’il fait construire un nouveau stade à Diamniadio, mais les mêmes causes produisant les mêmes effets, ce nouveau stade sera fatalement, quelques années après, dans le même état que les stades Léopold Sédar Senghor, Lat Dior et Demba Diop. Ce n’est pas parce qu’on construit de nouvelles infrastructures que l’on ne devrait pas prendre bien soin de l’existant!
Seul un joueur comme Sadio Mané pouvait porter la revendication sans en payer le prix fort
La revendication portée et exprimée par Sadio Mané au nom de ses co-équipiers est bien à propos. Il faut dire que l’attaquant de Liverpool Fc apparaît comme le parfait représentant syndical. En effet, un autre joueur l’aurait-il fait, qu’on pourrait lui opposer son arrogance ou des travers dans ses comportements. Sur ce registre, personne ne pourrait faire la leçon à Sadio Mané. Aussi, un porteur d’une telle pancarte s’exposerait à des représailles mais avec Sadio Mané un tel risque est nul. Par les temps qui courent, aucun entraîneur ou dirigeant de football au Sénégal ne songerait faire de l’ostracisme ou se mettre sur la route d’une convocation de Sadio Mané en Equipe nationale du Sénégal, vu ses performances sportives aussi bien en club qu’en Equipe nationale. La légitimité de Sadio Mané tient aussi à ce que sa place de titulaire est incontestable et Sadio Mané fait forcément partie des premiers appelés en Equipe nationale. Il peut donc porter la revendication sans grave conséquence. Mais il est regrettable qu’on évite d’écouter le message tout en cherchant à lapider le messager. Tous les amateurs de football ont observé que lors des matchs amicaux contre la Zambie, du 5 juin 2021 (3-1), et le Cap vert du 8 juin 2021 (2-0), les joueurs avaient souffert de l’état du terrain, avec des rebonds de balle malencontreux en raison de l’imperfection de la pelouse et aussi des risques de blessures. Un joueur de l’équipe zambienne a lui, visiblement fait les frais du mauvais nivellement de la pelouse et s’est fait remplacer pour cause de blessure. Et comme pour ne rien arranger, une panne d’électricité plongea le stade dans le noir pendant une bonne demi-heure. Si pareil incident était survenu en match officiel, l’équipe adverse aurait pu quitter le stade pour des raisons de sécurité et l’imbroglio jetterait le discrédit sur le Sénégal. Cela non plus, Sadio Mané ne l’a pas inventé.