Home ACTUALITÉS Pourquoi il faut tendre la main au rappeur? Par Adama Gaye*

Pourquoi il faut tendre la main au rappeur? Par Adama Gaye*

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Vous voir affalé au fond de cette froide et fangeuse fosse, le corps ensanglanté, la réputation déchiquetée, l’honneur en ratatouille, seul, lâché par tous, ne permet plus à mon cœur, ma conscience, de rester inerte. Je dois donc faire violence contre mon retrait du débat sur l’internet et vous dire, jeune homme, levez-vous et marchez droit car vous n’avez perdu qu’une bataille mais pas la guerre autrement plus importante sur l’échelle des valeurs.

J’aurais pu attendre deux semaines quand je me retrouverai dans une grande capitale Europeenne avec Macky Sall à une conférence décisive pour la planète. Qui m’aurait reproché de ne pas donner alors mon avis sur un monde étranglé et les morts, surtout au Sénégal, qui obscurcissent son horizon? Briser le silence dès ce matin parce que face aux ravages de la pandémie qui décime notre population, Sall ne trouve rien à dire que d’affirmer: « j’ai parlé à…Erdogan! »

Si je vous prends comme perche pour m’exprimer, c’est que votre cas mérite un meilleur sort, une attention plus clairvoyante sans être complice ni condescendante.

En bref, on vous a pris la main dans le sac en train de « dealer » pour décrocher un visa pour l’Europe ou un passeport diplomatique à un quidam. Cela, en échange de quelques 6 millions de francs cfa. Sans que vous sachiez que le bénéficiaire vous filmait à votre insu pour détruire votre valeur intrinsèque de base: votre moralité.

Je ne vais pas vous accabler sur votre imprudence. Qui ne l’a pas été dans sa vie? Qui ne traîne pas de squelettes puants dans ses armoires privées?

Sans vous exonérer de votre maladresse, je n’en reviens toujours pas de votre amateurisme dans ce qui est une abdication face à vos tourmenteurs. Dès le moment ou, aidé par une gorge profonde de l’Etat ou tombé sur un scoop ‘providentiel’ contre la grande gueule que vous êtes, le site Leral a entrepris de « déballer » contre vous, rien ne vous empêchait de prendre les devants, d’assumer et de prendre à témoins les Sénégalais.

En leur disant ceci: « voyez-vous, chers compatriotes, telle est la conséquence de la vie de chien que mènent tous les activistes que vous saluez quotidiennement pour leur combat citoyen, réduits à une débrouillardise proche de la criminalité pour joindre les deux bouts ».

Qui n’aurait pas compris qu’en vous posant en facilitateur d’accès à un visa ou à un passeport diplomatique prisés, sans les délivrer, vous ne faites qu’un travail de lobbyste. Cela existe partout dans le monde et n’a rien de répréhensible. Ca rapporte même gros dans les pays, comme les Usa, où l’activité est réglementée. En un mot, Kilifeu, vous n’avez pas fait de faute. L’impression d’une magouille autour d’un visa ou d’un passeport n’est pas suffisante pour vous incriminer!

La grande question, au delà de sa légitime investigation que Leral aurait du poser, était de savoir comment empêcher que les alerteurs, influenceurs voire politiciens ne tombent dans une précarité ou n’importe quel corrupteur peut profiter de leur vulnerabilité.

Ni les scribes de Leral ni tes amis du Mouvement Y-En-A-Marre, qui ont courageusement détalé, n’ont osé poser la question résolue dans les démocraties avancées: les enjeux publics sont financés par l’argent public.

Le financement des partis politiques, la réglementation du lobbying, le soutien transparent des influenceurs ne sont pas des faveurs. Ce sont des droits qui améliorent notre arsenal de lutte contre les mauvaises pratiques. Ils participent du renforcement de la démocratie…

Ce qui vous est arrivé, à vous l’homme de réseaux, peut frapper n’importe lequel d’entre-nous et, pour ma part, loin de vous demander de laisser la meute qui vous prépare, cynique, un enterrement dans cette décharge béante et puante, je vous invite à vous lever pour qu’ensemble, avec une grande minorité silencieuse, nous posions publiquement le débat sur les déballages ou la justice, en spectatrice, le public, en voyeur, s’en pourlèchent, irresponsables, les babines.

Il faut briser cet abcès. Puisqu’à y voir de plus près, c’est un obstacle majeur à un débat salubre dans notre pays. S’il en est ainsi, c’est la faute à un Macky Sall qui avait créé des journaux comme « Il est midi » et « Kotch » pour salir ses adversaires. Le contre-exemple venu d’en-haut s’est déployé dans toute la société. Une de mes parentes, qui se mêle de ma vie, malgré mon interdiction, en est l’incarnation la plus perfide.

« Si tu m’attaques », éructe-t-elle, « je vais déballer ». Outre que n’ayant rien à me reprocher, assumant tous mes actes, cette réaction qui n’est pas une première (une dame d’un parti d’opposition a osé me la servir aussi -lol!) que je relève, en risible chantage, me conforte dans le sentiment que si l’Etat encourage les praticiens d’une politique de la poubelle, il incombe aux citoyens de se mobiliser pour affronter ceux qui vivent des dépotoirs.

Ca va être sale. L’enjeu, la salubrité publique, en vaut la chandelle.

En termes simples, il faut donc admettre que Kilifeu, cet artiste que je ne connais pas bien qu’ayant grandi avec ses frères aînés à Kaolack, où nous fûmes élèves à l’école de Kassaville, restera, malgré sa fougue, parfois excessive, qui le dessert, le fils d’une famille kaolackoise décente. Où, tous les jours ou presque, dans les annes 1960, je m’arrêtais pour boire un verre d’eau du canari domestique, signe de générosité, sur la route de mon retour d’école…

C’est dans le malheur que la main secourable doit être tendue. Quand j’ai été illégalement arrêté, Kilifeu et Thiaat, ont exigé, à bon droit, ma libération. En traitres, la plupart des membres de votre mouvement s’étaient portés pâles et certains, tel Malal Talla (pion ou espion?), refusaient que mon cas ou mon nom soient prononcés lors de rencontres citoyennes. Cette bande, on peut se le demander, roule-t-elle pour le pouvoir? Est-elle un refuge de traitres prompts à poignarder leur ami en se gargarisant de grands mots vides déclinés en nouveau type de Sénégalais qu’ils n’incarnent surtout pas…

C’est dire que le lâchage-trahison de vos compagnons du mouvement Y-en-a-marre n’est guère surprenant. Il les discrédite davantage. Qui d’entre-eux est blanc comme neige? Je les invite donc non seulement à être moins prétentieux mais à se joindre au chantier, collectif et vital pour notre démocratie, de la lutte contre les déballages-diffamations et celle pour la modernisation, la transparence, du financement des militants du changement.

Voilà l’enjeu. Kilifeu n’en est, à son corps défendant, qu’un puissant, salvateur, révélateur d’une inacceptable dérive, la soap-opérationnalisation de notre société désormais sous l’influence des pires réflexes animaux chez l’homme: méchanceté, jalousie, tendances destructrices orientées vers des personnes qui réussissent ou gênent.

C’est une société atteinte d’autophagie, qui tue ses enfants les plus méritants, en se suicidant elle-même. »

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