Il est évident que le talentueux animateur de la Tfm Pape Cheikh Diallo a voulu rire de tout en déclarant à la télé que nous les noirs ressemblons à des singes. Il termine par affirmer : « il faut rire de tout ».
Attention, Baaye Cheikh, on peut peut-être rire de tout, mais certainement pas avec tout le monde. Et surtout pas de ça.
Quand en 2018, H&M a choisi de faire porter un sweat-shirt flanqué de l’inscription « Le singe le plus cool de la jungle » à un petit garçon noir, les réactions contre un tel acte ont secoué l’entreprise et chaîne de magasins suédoise de prêt-à-porter. Ses magasins ont été saccagés, ses spots publicitaires déchirés, des appels au boycott ont été lancés à travers le monde, des collaborations rompues, notamment avec le chanteur canadien The Weeknd. H&M avait finalement retiré sa publicité et présenté ses plates excuses.
Tout ce déferlement pour ne pas laisser passer l’inscription « Le singe le plus cool de la jungle » est dû à une histoire : faire ressembler le noir au singe est une démarche raciste qui a été théorisée et entretenue pendant des siècles.
C’est au XVIIIe siècle que l’on commence à comparer explicitement Noirs et singes. En 1775, un Allemand, Johann Friedrich Blumenbach, en cherchant à définir la notion de race, avait expliqué que les humains noirs de peau incarnent une dégénérescence raciale. En France, l’anatomiste français Georges Cuvier (1769-1832) sera celui qui comparera explicitement les Noirs et les singes en voulant démontrer la supposée infériorité raciale des Noirs. Puis une nouvelle science fut créée par des soi-disant savants au 18ème siècle : l’anthropologie ou « la science des races » qui avait autorisé des représentations dépréciatives de la race noire.
Ces savants transformistes, qui défendent l’idée d’une transformation des êtres vivants avaient démontré leur thèse à travers la question du chaînon manquant : les populations noires vont être les populations censées être intermédiaires entre le singe et l’Homme, blanc, civilisé. Ils s’emparaient de l’anatomie des Noirs, les mesurer dans tous les sens, pour essayer de démontrer scientifiquement que leurs caractéristiques, par exemple leurs mâchoires, leurs membres, sont restés à un stade intermédiaire, entre le singe et l’Homme, blanc.
Même les vaillants tirailleurs sénégalais qui s’étaient battus aux différentes guerres n’ont pas été épargnés par des moqueries faisant référence aux singes : les Allemands ne manquaient pas de présenter nos grands-parents comme des chimpanzés et, en apostrophant les officiers français, se moquaient d’eux en ces termes : « Ils songent à dresser les singes pour en faire des combattants de la civilisation. » L’image du gorille-soldat avait été très répandu.
Chez les racistes, la référence au singe reste omniprésente quand il s’agit d’insulter les Noirs. Et ce sont ceux qui vivent avec eux qui en pâtissent et subissent le racisme dans leur chair.
Dire que les Noirs ressemblent trop aux singes est une catastrophe langagière. Chercher à en rire est encore beaucoup plus grave. Ceux qui font cette comparaison en rient justement. Mais leur victimes souffrent énormément.
Christiane Taubira, ancienne garde des Sceaux française, avait mal dans sa chair quand une élue l’avait comparée à « un singe qui veut manger une banane ». Ce n’était pas drôle. Des plaintes ont suivi cette déclaration.
En 2006 quand Samuel Eto’o, attaquant camerounais de Barcelone, a été la cible de cris de singe de supporteurs du Racing Santander lors d’un match de la Liga espagnole, ce n’était pas drôle.
Comparer les Noirs aux singes est une insulte raciste inacceptable. Et quand l’insulte sort de la bouche d’un Noir, c’est toute une théorie raciste de plusieurs générations qui est ainsi perpétuée, confortée. Mais c’est aussi de la pure moquerie à l’encontre de tous les combats menés contre cette théorie raciste basée sur la supposée infériorité de la race noire.
Thierno Bocoum
President du mouvement AGIR