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L’insécurité alimentaire des ménages sénégalais Quelles spéculations pour atténuer les effets ?

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Par Mody Ameth Samba SOW
Expert en Chaines de Valeur et Renforcement Organisationnel et Développement Institutionnel

Mars 2022

Un défi de mobilisation sociale pour faire face à l’insécurité alimentaire
Le Sénégal à l’instar des pays africains est menacé par la flambée des prix notamment ceux des denrées alimentaires. Dans un pays au potentiel agricole énorme, la production de nourriture saine devrait être une évidence. L’état a consacré des ressources considérables pour assurer la sécurité alimentaire des ménages, mais les résultats restent mitigés et les attentes des citoyens toujours prégnantes. Ainsi le pays importe d’énormes quantités de riz, de viande, d’huiles, de légumes , de produits laitiers pour nourrir sa population urbaine et rurale en perpétuelle croissance. La flambée des prix charrie une insécurité alimentaire qui pointe déjà à l’horizon avec ses conséquences sur la stabilité sociale. Conscient des risques sociaux, le Président de la République a appelé à la mobilisation pour une production abondante de nourriture. En parcourant l’intérieur du pays et en écoutant les populations et les média, cet appel ne semble pas trouver un écho amplificateur. Les débats sont particulièrement axés sur des faits divers, alors que le pays s’achemine vers la saison des pluies, période consacrée à la production d’aliments. La récente alerte de la FAO sur les risques sociaux que peut engendrer la perte du pouvoir d’achat de la nourriture, la période mai et juin devrait être un moment fort de mobilisation des organisations de producteurs, des élus et des autorités administratives pour des échanges fructueux sur la stratégie d’adaptation et de résilience.

Les Conseils des Collectivités territoriales ont l’obligation de saisir l’appel du Chef de l’État pour mobiliser les citoyens vers des objectifs de production alimentaire. L’hivernage de cette année est à saisir pour produire suffisamment de mil, de patate douce, de gombo, de niébé afin d’atténuer la crise alimentaire. Le programme Xeyu Ndawyi est une opportunité pour insérer des milliers de jeunes dans des programmes d’animation, de mobilisation citoyenne pour sortir le pays d’un cycle infernal de dépendance alimentaire. Le recrutement des jeunes et leur affectation au niveau des Collectivités territoriales pour l’animation, la structuration des producteurs en sociétés coopératives est un impératif. L’insertion inclusive des jeunes dans le programme pour accompagner la mobilisation sociale intégrera la dynamique de renforcement de la cohésion nationale. A titre illustratif des jeunes de la Commune de Pata recrutés dans ce programme seront affectés dans une Commune du Nord. Ceux du Nord serviront dans la zone Sud, ou à l’Est. Ce brassage des jeunes participe à une meilleure connaissance du pays et de son potentiel de développement endogène. Il permet d’effacer les préjugés qui inhibent leurs ambitions pour le développement du pays. Les jeunes sénégalais méconnaissent le potentiel de développement du pays et sont convaincus que leur avenir se fera ailleurs. Certes les politiques publiques ont beaucoup contribué à la démobilisation des jeunes à travers des financements individuels et communautaires en lieu et place d’institutions coopératives structurées autour des chaines de valeur et capacités par les universités et des experts chevronnés. Le ddéfi de la mobilisation sociale pour faire face à l’insécurité alimentaire est du ressort naturel des Conseils des Collectivités Territoriales. Ceux-ci doivent accorder une priorité de premier ordre à l’atteinte des objectifs de sécurité alimentaire de leur territoire. La dispersion des ressources publiques dans les ministères et dans les agences, les procédures spécifiques des bailleurs de fonds, la non prise en compte suffisante de la mission générale de la Collectivité Territoriale par la Maires handicapent le développement local et expose le pays vers des lendemains incertains.

Quelles spéculations pour atténuer la crise et s’inscrire dans un cycle de développement endogène
Il suffit d’observer les spéculations cultivés à travers le pays pour comprendre que le patate et le gombo présentent des meilleures atouts pour une résilience rapide à court terme. Ils poussent partout à travers le pays dans tous les types de sols. Leur besoin en eau est faible et les irrigations dépendent de la nature des sols. Une production bien encadrée avec des intrants naturels de premier choix certifiés à travers le monde aura des effets positifs sur la sécurité alimentaire des ménages particulièrement les tous petits.
Cette année le gouvernement va consacrer des ressources importantes (70 milliards) pour l’achat d’engrais chimiques pour des terres appauvries, déstructurées et compactées, des semences d’arachide, de mais tout venant, de riz local et de matériel agricoles pour espérer une production record. A l’expérience, des engrais chimiques vont se retrouver dans le circuit parallèle, du mais tout venant et du riz dans les marmites des ménages. Il en est de même pour l’arachide dans les unités de transformation de pâte d’arachide. Ce risque est réel pour l’écrasante majorité des petits producteurs qui auront des difficultés financières pour s‘acheter des intrants subventionnés. Les organisations de producteurs ont longtemps plaidé pour le changement du mode de cession des intrants subventionnés. Présenter une pièce d’identité nationale et être producteur résident dans la Collectivité Territoriale constituent des brèches ouvertes pour des opérateurs de marché qui cherchent à maximiser leur profil. Le transfert de responsabilité aux organisations des agriculteurs et éleveurs pour l’achat de leurs moyens de production, la géolocalisation des parcelles de leurs membres, la mise en place d’un système de suivi avec des outils modernes sont devenus une nécessité et participent à l’atténuation de la crise alimentaire

La patate douce

La patate est bien le tubercule des pays pauvres, des pays en développement. La Chine est le premier producteur au monde avec plus de 71 millions de tonnes en 2017, l’Afrique suit avec ses 27,7 millions de tonnes. La patate douce cultivée dans la zone des Niayes et la Vallée du Fleuve Sénégal a atteint 95 102 tonnes en 2019/2020. Ces statistiques ne prennent pas en compte la patate produite dans les autres régions particulièrement la Casamance où la culture est très pratiquée. Les exportations en patate douce sont très faibles, de l’ordre de 0,6% de la production mondiale. La faiblesse des exportations comparée aux volumes de production est un indicateur pertinent qui dénote que la consommation locale est très importante. Les variétés précoces de Patate entre en tubérisation à partir de 30 jours. A partir de 55 jours, les tubercules peuvent être consommés cru, grillé et bouilli, les feuilles sont utilisées dans l’alimentation humaine et animale. En 2013, la consommation moyenne de patate douce par habitant et par an était estimée à 14,6 kg en Afrique, 23,3 kg dans les Caraïbes, 9,3 kg en Asie, 5,3 kg en Océanie, 2,7 kg en Amérique du Nord, 2,3 kg en Amérique du Sud, et seulement 0,07 kg en Europe. Parmi les variétés de patate douce présente au Sénégal, le clone 2, le clone 29, la Ndargu, la 83/176 TIS, la 2544 et la Fanaye sont les plus performantes. Au plan industriel, la patate est utilisée dans la production de pain et de biscuits. L’ITA a publiéé des résultats intéressants sur la patate cependant, ils ne sont pas suffisamment valorisés.

Le gombo

Dans le monde, 8 900 301 tonnes de gombo sont produites par an. Parmi les 46 pays producteurs de gombo, l’Inde occupe la première place avec 6 126 000 tonnes sur une superficie de 514 000 ha et un rendement moyen de 12 tonnes par ha. Il est suivi du Nigéria, 2 033 129 tonnes sur une superficie de 116 331 ha et un rendement moyen de 18 tonnes par ha le Sénégal se situe à la 21ème place avec une production17 358 tonnes sur une superficie de 527 ha et un rendement de 32 tonnes par ha. Par contre en termes de rendement par ha le Sénégal occupe la 2ème place derrière la Guyane avec un rendement de 38 tonnes pour une production de 15 716 tonnes sur une superficie de 411 ha. Au regard des données le Sénégal a une marge de progression importante en termes de superficies à emblaver et de production nationale.
Le gombo est une spéculation intéressante à tout point du vue pour atténuer la crise alimentaire avec ses nombreuses propriététés peu connues par le consommateur. Ses qualités nutritionnelles et thérapeutiques permettent prévenir et traiter de nombreux maux. Le gombo est un champion en matière d’équilibre alimentaire, qu’il soit consommé cru, frit, bouilli ou en ragoûtt. Son cycle de récolte qui démarre à partir de 45 jours après le semis est un levier pour réduire la soudure en milieu rural et améliorer les revenus des producteurs. Une association gombo/arachide en culture pluviale contribuera à améliorer le revenu à l’ha et à lutter contre les pratiques usuraires des intermédiaires.
Pour un programme gouvernemental de résilience

La pandémie du COVID 19, les crises multiformes dans le monde, la baisse des rendements agricoles des cultures traditionnelles et la hause des prix menacent la sécurité alimentaire des ménages. Le gouvernement devra mettre en place un programme pour rapidement atténuer et éradiquer les menaces. Ce programme prendra en charge, la structuration de sociétés coopératives et des unions, l’appui à la mobilisation des ressources en eau à travers la réalisation d’infrastructures hydrauliques, la mise à disposition d’un fonds pour l’acquisition de matériel agricole et d’intrants par les sociétés coopératives. Ce programme accordera une priorité aux cultures légumières et fruitières des exploitations familiales. Avec ce programme le pays devra retrouver avant 2024 sa place de de 1er pays africain producteur de patate douce, de gombo, de haricot vert, de piment, de citrouille, de maïs irrigué, de papaye, de citron, de goyave et de neema pour la production animale.

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