Avec les deux accidents tragiques qui se sont déroulés durant le mois de janvier dernier, l’un à Kaffrine et l’autre à SAKAL sur la route de Louga, en l’espace d’une semaine et qui ont occasionné près de 65 morts, le Sénégal a vécu et continue de vivre des instants sombres, confus et débilitants du fait d’une psychose d’en revivre. Il faut le dire, à l’idée déjà de se rendre à l’intérieur du pays, le citoyen sénégalais est aussitôt possédé par la psychose d’être victime d’un accident de la route tellement, il y règne une indiscipline notoire mais également du fait de l’étroitesse de nos routes nationales. Aussi, il sied de trouver les mesures idoines qui permettent de réduire drastiquement les hécatombes sur nos routes. Exercice auquel, s’est exercé le gouvernement du Sénégal dès le lendemain du premier drame, au cours d’un conseil interministériel. Rencontre assortie de 22 mesures pour, nous dit-on, renforcer la sécurité sur nos routes.Toutefois, au regard de la place qu’occupent les croyances religieuses dans notre vie culturelle, il est impensable d’ôter de l’esprit de pas mal de nos concitoyens cette vision irrationnelle des choses qui les pousse à aller chercher les raisons de ces catastrophes dans les esprits maléfiques. Sous ce rapport, nous prions que le Bon Dieu exauce toutes les prières et sacrifices consentis à cet effet. Par contre, il nous parait très réducteur d’évoquer les concerts de casseroles comme étant les causes de ces malheurs qui s’abattent sur le pays (Sinon que dire des accidents de 16 personnes qui avaient trouvé la mort dans une collision entre un camion-citerne malien en partance pour Dakar et un minicar transportant des commerçants, du chavirement d’une pirogue à Bettenty qui a causé la mort de 17 femmes, de l’incendie qui a tué 30 personnes lors d’une retraite spirituelle de musulmans à l’Est du pays ; la liste n’est pas exhaustive ). Non, fatalisme pour fatalisme, il faut certainement aller chercher les causes de nos malheurs dans la dégradation de nos relations humaines et de nos mœurs qui fait de notre pays, une jungle où règne la loi du plus fort, d’un espace où la sacralité et la dignité humaine n’y ont plus place encore moins la tolérance, le pardon, la clémence. Un espace où on s’entretue, où on cherche coûte que coûte, à détruire toute personne qui ne partage le même point de vue, où la sagesse fait place à la déraison, où le mensonge prend le dessus sur la vérité. Un espace où on fait payer aux proches les fautes commises par un parent ; ce qui n’est pas sans nous rappeler l’histoire du loup et de l’agneau. Avec cette série macabre, Dieu n’est-Il pas en train de nous parler en nous rappelant Ses Enseignements qui voudraient que Sa bénédiction ne s’abatte que sur une communauté où règne le respect des normes du bien et du mal telles qu’Il les a établies ? Pour une fois, malgré le scepticisme qui habite pas mal de sénégalais au regard des expériences du passé quant à l’incapacité du gouvernement à faire appliquer les mesures qui s’imposent et le rétropédalage sur certaines mesures, l’espoir de ne plus vivre ces hécatombes routières peut être permis. Cet espoir nous le devons à la prise de conscience collective qui s’est emparée de tout le peuple sénégalais et des autorités étatiques. En effet, il nous est revenu des échos de ce conseil interministériel, qu’au vu l’ampleur du drame, de celle de l’indignation populaire et du cachet inclusif de la démarche, qu’une volonté manifeste de l’autorité de s’affranchir de toute forme de lobbying et de conflit d’intérêt a prévalu tout au long des débats. En tout état de cause, ces mesures sont à saluer même si elles semblent relever d’une solution plutôt conjoncturelle que structurelle. Pour des solutions structurelles, la réhabilitation du Chemin de fer Dakar-Bamako et l’exigence de l’application d’une politique de maintenance préventive sur les véhicules de transport ne sauraient être occultées et devraient prises en compte dans les perspectives. i) La réhabilitation du chemin de fer Dakar-Bamako : une alternative durable à la routeL’efficacité et l’efficience du rail relativement aux autres modes de transport terrestre en matière d’efficacité et d’efficience, ne souffre d’aucune contestation dans le milieu des experts. Sous nos cieux, les experts ont toujours plaidé la relance du chemin de fer Dakar-Bamako comme une alternative à «tout route». En effet, la réhabilitation de cet axe ferroviaire s’impose aujourd’hui pour d’abord, désengorger le corridor routier qui renferme l’axe Dakar-Tambacounda, en passant par Kaffrine, surexploité depuis la mort du chemin de fer du même axe et ensuite doper la compétitivité du port de Dakar par un bon positionnement de notre pays relativement à l’Indice de Performance Logistique (IPL) qui arbitre la compétitivité de nos Etats (Prestations portuaires, pré et post acheminement). A ce propos, Le rapport Connecting to Complete de la Banque Mondiale publié pour le compte de l’année 2018 sur le classement des pays africains à partir de l’Indice de Performance Logistique (IPL) fait apparaître : « le premier pays africain à la 29e place sur un total de 168 pays. Il s’agit de l’Afrique du Sud, suivie du Botswana qui n’apparait qu’à la 58e place : un énorme décalage est présent entre les deux pays. Ce n’est qu’à partir de la 60e place au monde qu’on retrouvera le troisième pays africain, l’Egypte, suivie du Kenya à la 63e place, du Rwanda en 65e position, de la Côte d’Ivoire 66e, la Tanzanie 67e, l’Ouganda 72e, la Namibie 80e, le Malawi 84e, le Maroc 88e et l’Ile Maurice 91e, le Bénin 93e, le Burkina-Faso 96e et le Ghana 101e ». Le Sénégal ne figure même pas sur la liste, démontrant son manque de compétitivité dans le domaine de la logistique ; domaine dans lequel, figurent en bonne place le post et le préacheminement portuaire.Passer sous silence la réhabilitation du chemin de fer Dakar-Bamako, comme perspective pour solution durable, au moment où partout dans le monde, l’heure est à la recherche de solution alternative à « tout route » avec d’autres modes comme le rail, le méroutage, le ferroutage, etc, nous parait être un oubli de taille.Le meroutage et ferroutage sont deux modes de transports multimodaux qui offrent des avantages considérables en termes d’économie de carburant, préservation du chauffeur de la fatigue, diminution de la pollution, désengorgement de la route. Le mode opératoire de ces deux systèmes est de charger un camion dans un navire roulier ou sur un train avec chargement et chauffeur à bord, de transporter d’un port à un autre, d’une gare à une autre avec comme avantage, en somme plus de compétitivité. Il faudrait que nos autorités s’inscrivent sur cette dynamique si on veut véritablement réduire l’ampleur et la fréquence des accidents sur cet axe routier. Il faut noter que le taux élevé « d’accidentogénéité » sur l’axe Dakar-Tambacounda, relève de la densité du trafic, favorisée par la présence du marché de Diaobé, carrefour commercial international, où Guinéens de Conakry, de Bissau, Maliens et Gambiens se retrouvent pour commercer. La gestion de cet axe précité, confondu dans le Corridor routier Dakar-Bamako, au-delà des lois et règlements nationaux, relève de la gouvernance de l’UEMOA, dans le cadre de sa quête d’une meilleure intégration africaine. De ce point de vue, le seul respect des dispositions du règlement : «14 de l’UEMOA, relatif à l’harmonisation des normes et des procédures du contrôle du gabarit, du poids, et de la charge à l’essieu des véhicules lourds de transport de marchandises dans les états membres de l’union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA)» aurait permis de préserver l’état des routes (affaissement des routes dus au non-respect des charges à l’essieu et des poids des marchandises) et par-delà, nous éviter les hécatombes routières que nous vivons sur l’axe Dakar-Tambacounda. Ce qui est loin d’être le cas, conforté par la grogne des chauffeurs qui disent y subir toute sorte de tracasseries. D’ailleurs Sous ce rapport, à titre illustratif, nous reproduisons l’exemple de l’Europe à travers les conclusions de la commission européenne sur la politique de transport en Europe : « les objectifs de l’ UE sont donc clairs : conformément à l’actuel « Livre blanc sur les transports » de la Commission européenne, on prévoit de faire passer 30 % du transport routier de marchandises vers d’autres modes de transport tels que le rail ou le bateau d’ici à 2030, et plus de 50 % d’ici à 2050″.Nous ne saurions terminer ce chapitre sans saluer l’intérêt suscité chez les américains à s’engager pour la réhabilitation du rail à travers la sortie de la secrétaire au Trésor, Janet Yellen, qui vient à son heure et pourrait favoriser le ferroutage ; pourvu simplement que cet engagement ne vienne grossir le lot des désillusions après l’échec de privatisation acté avec le groupe franco-canadien TRANSRAIL et Abass Jaber. Des privatisations qui devraient assurer les investissements nécessaires à la réhabilitation et au renouvellement de certains tronçons de voie ferrée sur le corridor ferroviaire Dakar-Bamakoii) l’exigence de l’application de la politique de maintenance préventive par les transporteurs.Tous les experts en transport s’accordent sur la conjonction de trois facteurs comme étant la cause des accidents routiers : les défaillances humaine, matérielle et infrastructurelle. Les interactions entre les différents facteurs sont par conséquent importantes.De nombreuses études attribuent aux facteurs humains la plus grande part contributive des accidents routiers dans 95 % des cas (Sabey, 1983, Kuhlmann 1993). Tandis que l’infrastructure routière et l’impact environnemental pour 28 % des accidents et le matériel roulant pour 8,5 % des cas. Cependant, l’approche en termes de conséquences (perte en vies humaines et matérielles) parait beaucoup plus pertinente et sous ce rapport il faut relativiser la faible part attribuée au matériel roulant. Aussi, il nous parait important d’insister sur l’application de la politique de maintenance préventive du matériel de transport (véhicule) qui a pour but de maintenir ce dernier en bon état de circuler et de le préserver de certains accidents meurtriers. De ce point de vue, l’effectivité de la mise en place de la structure autonome multisectorielle, chargée d’appliquer rigoureusement les dispositions du code de la route, dirigée par un officier supérieur, pourrait veiller sur l’application de la mesure. L’application d’une telle mesure sous l’égide d’un officier supérieur suppose la facilitation et le suivi d’une convention d’entretien entre les transporteurs et certains concessionnaires de véhicules ou sociétés spécialisées dans l’entretien et la réparation du matériel de transport. L’exploitation dans les conditions normales des équipements industriels ou des matériels roulants est soumise au respect de l’application d’une politique de maintenance préventive telle que suggérée par le constructeur. Il s’agit d’une politique basée sur le nombre d’heures de marche d’un équipement ou de kilomètres parcourus par le véhicule. Une gestion informatisée devrait permettre à la structure de contrôle et de suivi de disposer un tableau de bord qui lui permet de veiller sur l’application rigoureuse de cette disposition. Toutefois, il nous faut souligner qu’une telle mesure n’a véritablement de portée que pour des véhicules neufs et devrait s’inscrire en bonne place dans une perspective de la politique de renouvellement du parc dont on nous dit qu’une nouvelle phase serait imminente. Cette exigence doit être une des conditionnalités de l’accès au renouvellement du parc des différents promoteurs.Egalement, les autorités routières devraient se libérer du carcan qui les enferme dans l’adage : « Nul n’est censé ignorer la loi » et faire organiser des séances de vulgarisation sur certaines dispositions du code la route notamment en ses articles 6 et 7 relatifs aux comportements des chauffeurs et 9 relatif aux règlements concernant les véhicules. Ces échanges sont d’autant plus fondés que la vie humaine n’a pas de prix et mieux vaut toujours prévenir que guérir.Voilà, en quelques lignes, la part de contribution d’un logisticien dans la recherche de solutions d’un phénomène récurrent des accidents de la route qui tient en haleine les sénégalais au premier rang desquels, les autorités étatiques. Autorités pour qui, faire régner l’ordre et la discipline sur nos routes, relève d’une volonté ferme, soutenue par un courage politique. Mamadou FAYE Logisticien Grand-Yoff