Tout semblait portant bien ficelé! Les intéressés eux-mêmes ont eu à se féliciter, à travers différents médias, des avancées significatives notées dans le traitement de ce dossier, piloté depuis plusieurs mois par le facilitateur de JAMRA, Mame Mactar Guèye, que les « diambars » avaient eux-mêmes choisi pour être leur interlocuteur auprès de l’État. Que s’est-il donc passé pour que ces rescapés de la Guerre du Golfe veuillent durcir le ton en se radicalisant dans la réclamation de leurs indemnisations qu’ils soutiennent n’avoir toujours pas reçues ? senefil.com a voulu en savoir plus avec celui que JAMRA fait souvent monter au créneau dans les dossiers difficiles.
senefil.com: M. Guèye, pouvez-vous nous faire l’économie de vos démarches auprès des autorités, pour l’effectivité du paiement des indemnités de guerre des « diambars » du Golfe?
MMG: Sachez qu’au terme de plusieurs séances de travail, que nous avons eu avec différents démembrements de L’État (Ministre des Forces Armées, Premier ministre…), il a été demandé au facilitateur de JAMRA de leur fournir des documents complémentaires aux fins de mieux étayer le dossier, avant qu’il ne soit soumis à l’arbitrage final du chef de l’État. Nous leur avons ainsi remis, entre autres, la Résolution 1483 du Conseil de Sécurité de l’ONU, communément intitulée « Embargo pétrole contre nourriture ». C’est une importante décision que l’ONU avait prise à la fin de la guerre pour contraindre l’Irak de réparer les préjudices causés aux 34 contingents de la Coalition internationale, ainsi que les dommages collatéraux civils subis par des tiers. Cette formule de coercition devait être mise en œuvre par la CINU (Commission d’indemnisation des Nations-Unies) pour pousser le régime irakien vaincu à ne pouvoir importer des vivres qu’en contrepartie d’un paiement en nature, par du pétrole notamment. C’est donc ce pétrole irakien, que la CINU a ainsi réquisitionné, qui a été vendu sur le marché international. Et a permis de collecter pas moins de 500 milliards de FCFA, destinés à dédommager les pertes civiles et militaires subies. Mais le contingent sénégalais n’a jamais vu la couleur de cet argent !
senefil.com: C’est donc cet argent, dont le contingent sénégalais était des bénéficiaires, que nos « diambars » soutiennent n’avoir pas reçu?
MMG: Et ce n’est pas tout. Le bienveillant et généreux geste financier consenti par l’Arabie Saoudite, par le biais du Commandant en chef des Forces Musulmanes alliées de l’époque, en l’occurrence le Prince Walid Ben Sultan, lors de la présentation des condoléances du Royaume saoudien à l’État du Sénégal, est toujours entouré d’un flou artistique. C’est finalement des sommes dérisoires qui ont été remises aux « diambars » à leur retour de campagne militaire (un million par survivant et un million 42 mille par famille de soldat défunt), en les assimilant curieusement à une « indemnité de guerre », alors qu’il s’agissait bien d’un HLP (home live perdium). Ainsi dénommé dans le jargon militaire onusien pour indiquer qu’il s’agit bien d’une simple prime de congés, pour permettre aux contingents, programmés pour durer plus de trois mois sur des théâtres d’opérations extérieures, de pouvoir, à tour de rôle, se rendre auprès de leurs familles respectives, pour quelques jours, munis de ces primes de congés. La grande frustration des « diambars » c’est qu’on ait persisté à assimiler cette prime légale de congés à une indemnité de guerre. Que les « diambars » soutiennent unanimement n’avoir jamais reçue. C’est ce que semble confirmer la fameuse déclaration du défunt général Louis Tavarez Da Souza. Il avait soulevé un lièvre, lors d’une interview, en 2017, au micro de votre confrère Baye Oumar Guèye de Sud-Fm, reprise intégralement d’ailleurs dans le journal Sud-Quotidien du lendemain. Il avait textuellement affirmé que « l’ONU a bien remis l’argent à l’État du Sénégal mais ce dernier ne l’a pas reversé aux soldats »! C’est tout dire. Et le Général Da Souza n’est tout même pas n’importe qui dans l’Armée, pour y avoir exercé la haute charge de Cemga (chef d’état major général des armées)!
senefil.com: Il apparaît donc, qu’en tant que facilitateur, vous avez contribué à la collecte d’informations devant faciliter à l’État de décanter la situation…
MMG: Tout à fait. Et nous sommes dans notre rôle. Nous n’avons pas pour habitude de tout attendre de l’État. Ce qui importe pour JAMRA étant que ceux qui s’estiment victimes d’injustice soient rétablis dans leurs droits. Nous avons également remis à nos interlocuteurs étatiques les listes complètes des 402 survivants du contingent sénégalais, des 93 veuves et des blessés de guerre. Je précise au passage que le Premier ministre, qui pilote ce dossier côté État, avait parallèlement instruit son Conseiller technique militaire, le Général de Brigade Amadou Anta Guèye, de recevoir le Facilitateur de JAMRA pour que nous puissions approfondir nos échanges sur ce douloureux dossier des « diambars » de la Guerre du Golf. Nous avons eu avec ce conseiller militaire de la Primature une fructueuse séance de travail, le vendredi 17 août passé. Il était assisté du Commissaire Adama Diakhaté et du Colonel Abdoul Ndiaye de la DIRPA (Direction de l’information et des relations publiques des Armées). Un compte-rendu a été remis au PM, avec qui le Facilitateur de JAMRA a eu en tout quatre (4) séances de travail, dont la dernière remonte au 10 septembre 2018. Le fruit de tous ces échanges et investigations devant être soumis à l’ultime arbitrage du chef de l’État, a qui revient le dernier mot, en sa qualité de chef suprême des Armées.
senefil.com: Et qu’elle est la position finale du chef de l’Etat ?
MMG: Il faut avouer que depuis lors (soit trois mois), le dossier ne bouge plus – du moins à ce que nous sachions ! Nous ne connaissons pas encore l’avis arbitral du Président de la République, Macky Sall, qui serait, de sources sûres, dans de bonnes dispositions pour que ce dossier connaisse enfin un heureux épilogue. J’imagine mal d’ailleurs qu’il ait fait travailler tout ce beau monde pour rien ! Mais la réalité est que, après trois mois d’immobilisme, c’est de guerre lasse que les 402 Anciens combattants de la Guerre du Golfe, accompagnés des familles des 93 veuves et orphelins des soldats tombés au champ d’honneur ont décidé d’organiser, lundi 10 décembre prochain, une Marche pacifique, dont la déclaration préalable a déjà été déposée à la Préfecture de Dakar. Il appartiendra ensuite aux avocats, Maîtres Assane Dioma Ndiaye et Abdoulaye Tine, de jouer leur partition, en enclenchant, dès la semaine prochaine, une procédure de saisine, en bonne et due forme, des autorités onusiennes. Avec à la clé un rapport exhaustif et documenté destiné au Secrétaire général de l’ONU lui-même, M. António Guterres. Évidemment, j’ai fait remarquer à qui de droit qu’il ne serait pas honorable pour notre pays de se faire ainsi traîner (par ses propres militaires) devant des juridictions internationales, pour la résolution d’un problème touchant un corps aussi sensible que l’Armée. Et qu’il est pourtant toujours possible de résoudre à l’interne. Même si nous comprenons que nos interlocuteurs soient présentement fortement préoccupés par la perspective de la Présidentielle, qui se tient dans moins de trois mois, la sagesse voudrait également que l’on donne toute l’importance qui sied à la finalisation d’un dossier aussi douloureux, dont la résolution contribuerait assurément à asseoir davantage cette stabilité sociale dont notre pays a tant besoin !
(Propos recueillis par Oumar Ndiaye)