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PLEINS FEUX SUR LES LISTES ELECTORALES 2025 (contribution)

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Du 1er février au 31 juillet 2025 les projecteurs de l’actualité électorale vont être braqués sur le théâtre des activités liées à la révision ordinaire des listes électorales, en perspective des prochaines élections locales. Conformément aux dispositions des articles L.37 et R.28 du décret n° 2021-1196 portant partie réglementaire du Code électoral, ces opérations entrent dans le cadre de la mise à jour du fichier électoral. Elles revêtent une importance capitale si l’on sait que la dernière révision ordinaire des listes électorales remonte à 2016, soit neuf (9) ans, jour pour jour.
Cette opération de révision ordinaire des listes électorales qui s’inscrit dans le cadre des efforts pour renforcer la transparence et l’inclusivité du processus électoral est d’autant plus importante qu’elle va permettre aux primo votants de pouvoir s’inscrire dans les différentes commissions administratives ouvertes sur l’ensemble du territoire national et dans la diaspora.
Comme chacun le sait, l’élection présidentielle du 24 mars 2024 et les élections législatives anticipées du 17 novembre 2024, ont marqué le début de l’ouverture d’un nouveau cycle politique marqué par l’avènement et l’immixtion active d’une nouvelle génération de jeunes dans l’espace politique. C’est ce processus qui a conduit à la victoire de la coalition « Diomaye président » dont le candidat Bassirou Diomaye Diakhar Faye de Pastef âgé seulement de 44 ans (devenant ainsi le plus jeune président de la République du Sénégal issu de l’opposition), a remporté la victoire de la présidentielle du 24 mars avec 54,28% des suffrages dès le premier tour, donnant incontestablement à ce scrutin, les allures d’un référendum. C’est dire que la jeunesse a joué un rôle de premier plan dans le processus qui a conduit à la victoire de cette coalition. Cette tendance, loin de s’estomper, va au contraire s’exacerber et s’amplifier, si l’on sait que la population sénégalaise est composée de plus 60% de jeunes qui n’ont pas encore atteint la majorité électorale (18 ans) .
C’est dire que dorénavant, la composante « jeune », dans les échéances à venir, comme dans celles futures, va faire l’objet d’une attention particulière de la part de tous les acteurs politiques, en raison des enjeux essentiels qu’elle constitue dans notre société.
La révision ordinaire des listes électorales qui va démarrer le 1er février pour s’achever le 31 juillet 2025, intervient dans un contexte particulier de l’évolution de notre société. Le président de la République a annoncé à l’occasion de son message du 31 décembre 2024, l’ouverture prochaine de concertations sur des questions constitutionnelles, mais aussi électorales, notamment la problématique du financement, de la rationalisation des partis politiques et d’autres questions majeures concernant le processus électoral. Ces concertations sont d’autant plus urgentes et impérieuses que nous assistons de plus en plus à une inflation exponentielle et continue de candidats et des listes en compétition, dans un écosystème de près de 400 partis légalement constitués, pour une population de 18 millions d’habitants. Les implications financières que ces consultations électorales, de surcroit très rapprochées (présidentielles, législatives, locales et référendaires) constituent des charges très lourdes sur le budget de l’Etat.
La révision de listes électorales est une étape première et importante du processus électoral. Dans la chronologie des opérations électorales, elle est suivie de beaucoup d’autres étapes du cycle électoral, jusqu’à la phase finale et ultime, le vote.
Le principe directeur des listes électorales réside dans le fait qu’elles sont régies par la règle de la permanence qui stipule à l’article L.37 du Code électoral, que « les listes électorales sont permanentes ». De cette permanence, il en résulte, en principe, que les listes électorales ne peuvent et ne doivent pas être modifiées pour quelque raison que ce soit en dehors des périodes de révision, prévues à l’article R.29 du Code électoral qui stipule : « Au plus tard cinq (05) jours avant le début de la révision des listes électorales, les autorités administratives compétentes instituent, par arrêté, des commission d’établissement et de révision des listes électorales, et précisent les horaires ainsi que les lieux où elles doivent siéger. Ces commissions sont constituées en application de l’articleL.39. Elles informent les partis politiques de la date de démarrage de la révision en vue de leur représentation. »
La dérogation à cette règle de la permanence est intervenue 02 (deux) fois dans notre histoire électorale. La première fois c’est sous le magistère du président Léopold Sédar Senghor en 1977, au moment de l’informatisation du fichier électoral. Les listes antérieures à cette période qui dataient de l’époque coloniale, ont fait l’objet d’une annulation par l’article 1er de la loi n°77 du 05 janvier 1977. La deuxième fois où les listes électorales ont été annulées, c’est sous le magistère du président Abdoulaye Wade en 2005, avec la loi n° 2004-32 du 25/08/2004, qui a annulé toutes les listes électorales, et a prescrit l’établissement de nouvelles listes basées uniquement sur une carte nationale d’identité numérisée.
Le Code électoral prévoit une révision annuelle ordinaire des listes qui, généralement, s’effectue du 1er février au 31 juillet et une révision exceptionnelle en année électorale, dont les délais sont fixés par un décret du président de la République.
La révision des listes électorales, c’est essentiellement 04 (quatre) opérations :
Inscriptions : Inscrire sur les listes les primo votants qui viennent d’avoir l’âge électoral (18 ans) et les citoyens remplissant les conditions, mais qui n’y figuraient pas, et qui souhaitent s’inscrire pour pouvoir s’acquitter de leurs devoirs civiques.
Radiations : Rayer de la liste les personnes décédées ou déchues de leurs droits civiques pour condamnation.
Modifications : Pour les personnes qui veulent changer d’adresse électorale ou qui étaient frappées d’une incapacité juridique provisoire, et qui souhaitent recouvrer le droit de vote.
Changement de statut qui concerne l’électeur civil devenu militaire ou paramilitaire ou vice versa.

L’article R.32, précise que pour prouver son rattachement à la collectivité territoriale, si l’adresse domiciliaire ou le lieu de naissance qui figure sur la carte nationale d’identité ne se trouve pas dans la circonscription électorale, l’électeur doit produire un certificat de résidence. S’il y a carence dans la délivrance du certificat de résidence quarante-huit heures après la demande, l’autorité administrative y pourvoit sur rapport du service de Police ou de Gendarmerie territorialement compétent.
A défaut du certificat de résidence, l’électeur doit présenter soit une facture d’eau, d’électricité ou de téléphone soit un quitus fiscal.
La facture ou le quitus fiscal doit être établi au nom de l’électeur et dater d’au moins six (06) mois.
L’inscription sur les listes électorales est un acte individuel qui requiert la présence physique de l’électeur au niveau des commissions administratives compétentes, sous la supervision et le contrôle de la CENA (Commission Electorale Nationale Autonome). Les représentants des partis politiques ou coalitions de partis politiques légalement constitués, siègent dans les commissions administratives instituées à cet effet. (Art. L. 37).
Dans l’histoire de la procédure des inscriptions sur les listes électorales au Sénégal, on peut distinguer 02 (deux) grandes périodes : celle d’avant l’acte III de la décentralisation et celle à partir de l’acte III instituée en 2013, un an après l’accession du président Macky Sall à la magistrature suprême.
A partir de l’acte III de la décentralisation
Rappelons que le principe directeur de l’acte III de la décentralisation : c’est la territorialisation des politiques publiques. Cela veut dire quoi ? C’est le fait de partir des exigences exprimées à la base par les populations dans les territoires, pour leur offrir des missions pertinentes de service public. L’acte III ayant supprimé les communautés rurales, les communes d’arrondissement et les régions (collectivités locales), il a été procédé à la communalisation intégrale c’est à dire, à la transformation des communautés rurales et des communes d’arrondissement, en communes de plein exercice. Quant au département, il a été érigé en collectivité locale, en remplacement de la région. C’est ainsi que le Sénégal dispose depuis 2013, de deux (02) ordres de collectivités territoriales réparties en 558 communes et 46 départements (collectivités). Rappelons qu’avant l’acte III, il y avait 373 communautés rurales, 185 communes et 14 régions.
La collectivité territoriale est une nouvelle approche conceptuelle. C’est d’abord et avant tout, un construit social, économique, politique et spatial qui détermine de nouvelles formes d’organisation et de gestion des espaces d’exercice du pouvoir local.
Les conditions d’inscription sur les listes électorales sont désormais au nombre de huit (08). Ces conditions régissent les inscriptions à l’intérieur du pays et celles des sénégalais établis à l’étranger, communément appelés les sénégalais de la diaspora.
Les inscriptions à l’intérieur du pays concernent les communes. Les conditions sont au nombre de sept (07).
Ceux qui y sont nés ;
Ceux dont l’un des ascendants au 1er degré y réside ;
Tous les électeurs qui ont leur domicile réel dans la commune ou qui y résident depuis six (06) mois au moins ;
Ceux qui ont une attache fiscale sans interruption pendant trois (03) ans au moins ;
Ceux qui sont assujettis à une résidence obligatoire ;
Ceux qui, en période de révision ordinaire, ne remplissant pas les conditions d’âge et de résidence lors de la formation de la liste, les rempliront avant la clôture définitive ;
Ceux qui, en période de révision exceptionnelle, rempliront les conditions d’âge au plus tard le jour du scrutin ;

Pour les sénégalais de l’extérieur : Ceux immatriculés au Consulat du Sénégal, sur leur demande, peuvent être inscrits sur la liste électorale de l’une des communes suivantes : a). Commune de naissance ;b). Commune de leur dernier domicile ou de leur dernière résidence à condition que cette résidence ait été de six (06) mois au moins ; c). Commune où est inscrit l’un de leurs ascendants ou de leurs descendants au 1er degré. (Art. L. 34 et L.35) Code électoral, édition 2022.
Voilà les conditions d’inscription sur les listes électorales, à partir de l’acte III de la décentralisation, pour l’intérieur du pays comme pour les sénégalais établis à l’étranger.
Comme on le constate, les notions de Domicile et Résidence sont au cœur des conditions d’inscription sur les listes électorales. Le domicile n’est pas la résidence. Il n’est pas non plus l’habitat ni l’adresse. Le domicile au sens du Code électoral n’a pas la même signification que dans le Code civil, ou le Code pénal, ou le Code de procédure pénale, ou le Code des obligations civiles et commerciales ou le Code du travail ou même le Code de la famille.
La loi n° 72-61 du 12 juin 1972, portant Code de la famille, distingue quatre (04 types de domicile : (le domicile personnel, le domicile professionnel, le domicile légal et le domicile élu). (Art. 12).
Le Code électoral parle de domicile « réel » qui signifie domicile politique. C’est la circonscription électorale de l’électeur. Dans le dispositif électoral sénégalais, ne l’oublions pas, tout électeur est rattaché à une circonscription électorale qui constitue son principal établissement où il exerce son devoir civique. Comme le précise l’article L.38 du Code électoral : « la personne est domiciliée au lieu de son principal établissement et pour son activité professionnelle au lieu où elle exerce celle-ci. Au sens du présent code, la résidence s’entend comme le lieu d’habitation effective et durable dans la commune ».
Il y a lieu de préciser que 03 (trois) caractéristiques fondent la notion de domicile : la fixité, la durée et la nécessité juridique.
En conclusion, la révision ordinaire des listes électorales qui va démarrer le 1er février 2025 va polariser les feux de l’actualité politique, en perspective des prochaines élections locales prévues en 2027, selon les dispositions constitutionnelles en vigueur. En raison de ses enjeux, ce scrutin va déterminer de façon décisive le cours politique dans notre pays, singulièrement la présidentielle 2029.
Dakar le 26 janvier 2025
Ousmane BADIANE
Expert Electoral.

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