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Chèvres et cailles: le binôme d’éradication de la précarité des femmes urbaines et rurales

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Par Mody Ameth Samba SOW
Expert en Chaine de Valeur, Renforcement Organisationnel et Développement Institutionnel

Avril 2022.

Une population à majorité féminine, avec un bon nombre dans la précarité.
Le dernier recensement de 2013 a dénombré environ 535 000 mménages pauvres avec une incidence de la pauvreté́ monétaire estimée à environ 6 000 000 de personnes. Parmi cette population classée pauvre 57,1% vit en zone rurale et 41,2% en zone urbaine. Dakar la capitale compte 21% des ménages classées pauvres. Les femmes en milieu rural produisent plus de 80 % des cultures vivrières et constituent une main d’œuvre bon marché. La précarité en milieu rural se mesure entre autres par la faiblesse de l’équipement ménager, les habitats précaires, la mobilité difficile et pénible, le ddéficit de prise en charge en cas de maladies, les abandons scolaire, l’absence de matériel d’allégement des travaux domestiques, de production agricole, l’ignorance des technologies modernes qui rend leurs tâches lourdes et répétitives. Inlassablement, elles doivent piler et moudre les grains, chercher de l’eau, ramasser du bois de chauffe, transformer les produits agricoles et de cueillette, transporter des volumes impressionnants de denrées et de matériel surtout durant la transhumance, le ramassage de gravillon le long des chantiers de construction de route. En milieu urbain, les conditions sont similaires. Cependant il faudra y ajouter la mendicité des femmes dans les rues de Dakar et dans les maisons pour subvenir aux besoins du ménage. Les enfants talibés qui sillonnent les quartiers urbains, les gares, les lieux de cultes. Ces enfants, dans certaines localités du pays travaillent en qualité d’ouvriers agricoles pour les opérations de repiquages, de récoltes, d’évacuation des productions au lieu de groupage, au colportage des marchandises et bagages de voyageurs et aux travaux domestiques. Ces conditions de vie difficiles affectent leur santé et les rend vulnérables à tout point de vue. Pour combler ce déficit, les femmes se regroupent et mettent en commun leurs ressources. Toutefois, ces organisations féminines ont, le plus souvent, pour seule force, la volonté d’entraide de leurs membres et souffrent de leurs handicaps : entraves économiques diverses dont l’accès aux crédits à des conditions compatibles à leur situation ; peu de temps dont elles disposent ; manque d’instruction et de qualification etc. Ainsi, quand bien même les organisations de femmes sont nombreuses, elles peinent à améliorer leur statut, à renforcer leur participation aux prises de décisions dans la cité, d’avoir des activités économiquement rentables et viables. Le Gouvernement et ses partenaires au développement travaillent à renverser les tendances par la mise en œuvre de projets destinés aux femmes et aux enfants. Ces programmes sont en pour la plupart des filets sociaux qui soulagent les conditions de vie. Ces programmes se sontt attaqué à l’amélioration des conditions de vie des populations notamment rurale à travers des projets d’accès à l’eau, aux moulin à mil, à l’énergie électrique, la construction de piste de production. Mais les efforts plus orientés vers la réalisation d’infrastructures règlent la disponibilité et très souvent pas l’accès faute de moyens financiers et d’innovation dans les approches de développement. La DER et les ONG ont œuvré à la création de richesse en faveurs des jeunes et des femmes à travers le financement par crédit et des renforcements de capacités.
Des atouts et potentiels de génération de revenus

Les femmes sont préparées à mieux assumer leur autonomie, avec des connaissances avérées dans la production, la transformation des produits agricoles, animales, halieutiques, l’artisanat, le commerce. Les rendements agricoles de leur parcelle de cultures sont souvent de loin des meilleurs. Des années 80, début de la mise à l’échelle de la production de banane dans la vallée de la Gambie par l’Ong OFADEC à nos jours ,les femmes membres des coopératives de production des villages de Sankagne, Adiaf, Bantantinty, Wassadou et Koar battent les records de rendement jusqu’à 5 tonnes de banane pour 200 pieds, contre 3 tonnes pour 400 pieds pour les hommes. Des exemples de ce type pullulent à travers tout le pays dans les périmètres bananiers et de produits maraichers. Le cheptel des femmes est mieux nourri. Elles sont les pionnières et les championnes de la diffusion du neema pour l’alimentation de leur cheptel. Dans le département de Linguère, elles produisent du neema à petite échelle destiné aux vaches laitières et l’embouche des petits ruminants.
Les revenus qu’elles en tirent assurent la prise en charge des besoins de la famille. Les femmes sont très informées des réalités du marché de bétail particulièrement des petits ruminants. Au niveau de la pèche également, les femmes s’activent dans la transformation des produits halieutiques. Elles interviennent le plus souvent en qualité́ de main d’œuvre temporaire dans l’industrie de pêche. Leurs rôles domestiques , les empêchent de participer aux activités plus rentables qui se déroulent la nuit au niveau des embarcadères. Dans le secteur industriel, l’importance des capitaux requis limite l’implication des femmes en tant qu’entrepreneur producteur. Cependant, elles sont impliquées dans la production et le mareyage au niveau de la pêche artisanale. Les mareyeuses réussissent facilement à̀ s’insérer dans les marchés proches des lieux de débarquement de poissons. En milieu pécheur, la femme a, traditionnellement, la charge de la commercialisation du poisson ; parfois même, elle est propriétaire de la barque. Ce potentiel est un atout de génération de revenus qui doit être mieux soutenu et orienté vers l’exploitation de créneaux porteur de croissance et adapté au contexte des femmes rurales et urbaines aux moyens limités. Parmi ces créneaux, figure le puissant binôme chèvre et caille.
Un binôme de renforcement du pouvoir économique des femmes pour l’éradication de leur vulnérabilité
L’élevage de chèvres et caille ne nécessite pas beaucoup d’espaces. Le cycle de production est court, les coûts d’alimentation est à la portée des femmes aux moyens très limités. Dans notre cher pays, le cheptel caprin est estimé à plus de cinq millions de têtes, soit environ une chèvre pour trois habitants. C’est donc un élevage commun en milieu rural comme en milieu urbain. 80 % des éleveurs de chèvres sont des femmes et des jeunes cibles prioritaires des projets et programmes d’appui au développement. La vente des caprins permet d’acheter du matériel pour les fêtes du village, de célébrer les mariages, les baptêmes, d’acquérir des intrants agricoles, de payer les frais de réparation du matériel aratoire, de couvrir les frais médicaux, et de scolarité des enfants du primaire et du secondaire, d’acheter des vivres pour la famille, de constituer un cheptel bovin. La chèvre fait office d’assurance vie des ménages pour la gestion des risques et de soupape de sécurité pour les urgences. L’élevage de chèvre est facile, La chèvre mange de tout. Elle a besoin de foin de qualité pour se nourrir. Ce foin peut être obtenu avec le neema et les feuilles de nebeday très facile à produire à l’échelle du pays. Un m2 de neema associé avec quelques feuilles de nébeday permet de nourrir 2 chèvres. Avec une superficie de 300 m2, il est possible d’élever un cheptel de 20 chèvres sans difficulté. Sa consommation en eau est faible de l’ordre de 10 litres par jour c’est-à-dire le tiers des besoins d’une personne. La chèvre ne nourrit également des fruits et légumes pour friandises, raffolent de pommes, de bananes, de carottes et de fanes de patate douce et de niébe. En revanche, les choux, les pommes de terre sont néfastes pour la santé des chèvres. Au plan sanitaire, il faut surtout surveiller les puces, les poux et les tiques. Les tomates sont aussi à éviter.
Les cailles sont des oiseaux migrateurs de la sous famille des Perdiniae, semblables aux perdrix. Elles entrent en ponte à 06 semaines, alors que la production d’œufs de poule nécessite 6 (six) mois soit 180 jours pour avoir les premiers œufs. Les cailles supportent également une forte densité allant jusqu’à 30 par mètre carré. Les poules pondeuses supportent une densité moyenne de 07 par mètre carré. L’élevage de caille peut se faire sur batteries réduisant ainsi le besoin en foncier. Elle peut donc se faire dans l’arrière-cour d’une maison, sur les terrasses en milieu urbain. Du fait de la rusticité de ces oiseaux gibier, la production peut se faire avec peu de risque par un débutant s’il est bien conseillé par des experts et techniciens en aviculture. Les œufs de cailles contribuent à une alimentation saine, pour toutes les catégories d’âge. L’activité est très adaptée aux personnes à mobilité réduite. Celles-ci peuvent développer la chaine de valeur, en exploitant la viande fraiche, la viande braisée , les œufs écaillés et la fiente pour la fertilisation des parcelles de culture. Un femme exploitant le binôme chèvre et caille aura à sa portée de la fumure de qualité pour la production de neema pour un troupeau de 20 chèvres.
Un investissement d’une cage de 500 sujets procure un revenu mensuel de 200 000 Frs net. En y associant un élevage de 20 chèvres, les revenus seront fortement accrus permettra ainsi d’eradiquer la précarité de la femme. L’investissement dans l’élevage de caprins démarre par l’aménagement d’une parcelle de 10 m2 de neema et l’achat de 3 à 4 chèvres. Au bout d’une année, l’investisseur pourra atteindre facilement un cheptel de 20 chèvres. Le Ministère de l’Elevage et des Productions Animales doit explorer cette piste pour la sécurité alimentaire en produits carnés

Un programme National Chèvres et Cailles pour les ménages inscrites dans le RNU des groupes vulnérables
Les Collectivités territoriales devraient soutenir l’insertion économique des citoyens de leur commune inscrites dans le RNU dans la chaine de valeur Chèvre-Caille pour éradiquer la précarité des ménages. Les familles des milliers de talibés originaire de l’intérieur du pays sont des cibles interessantes pour éradiquer la mendicité des enfants et leur retour dans le cycle éducatif. Les récentes opérations de retour des enfants ont démontré que les stratégies mises en œuvre sont inefficaces. Avec la pandémie du COVID, la rupture des chaines d’approvisionnement et leur conséquence sur la sécurité alimentaire des ménages, les difficultés d’accès aux intrants et matériels agricoles, les Collectivités Territoriales ont à leur portée des solutions rapides pour changer radicalement le visage hideux des terroirs. Toutes les écoles primaires et secondaires du milieu rural devraient mettre en place des coopératives scolaires et investir dans la chaine de valeur du binôme Chèvre-Caille. Les coopératives auront des revenus pour améliorer les cantines scolaires, doter chaque élève d’un kit de fourniture scolaire sans compter les possibilités offertes aux enseignants pour élaborer des modules pertinents basés sur le vécu des apprenants.
En Casamance, la stratégie de lutte contre la déforestation et la culture du chanvre indien devrait intégrer le soutien au développement de la chaine de valeur du binome Chèvres-Cailles surtout dans les zones infestées de mines anti personnel. Le retour des milliers de ménage est possible avec le développement des activités génératrices de revenus dans la chaine de valeur
Pour réussir un tel programme, dans le cadre du programme xeyu ndawyi les Collectivités Territoriales engageront des animatrices pour accompagner la structuration de la chaine de valeur au niveau des communes. Ainsi, des milliers de jeunes filles ayant terminés leur étude secondaire trouveront un créneau d’insertion. L’animation et la structuration des sociétés coopératives, leur accompagnement technique et organisationnel est une niche d’emploi pour les femmes et une opportunité d’éradication de la précarité de leurs conseurs.

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