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Indépendance de la justice, affaire Sonko, rapport avec l’exécutif: le sentiment du président de l’UMS

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Le président de l’UMS a abordé la lancinante question de l’indépendance de la justice dans un contexte marqué par l’affaire Ousmane Sonko Adji Sarr. Devant ses pairs et les invités à cet atelier qui s’est tenu ce jeudi 25 mars, il a insisté sur la nécessité pour les juges d’accepter certaines critiques car le pouvoir judiciaire a aussi besoin de faire son introspection pour relever certains défis comme celui de la liberté.

Madame le Secrétaire général du Ministère de la Justice
Messieurs les représentants du Barreau
Monsieur le représentant de l’OFNAC,
M le représentant de la chambre des Notaires
Monsieur le représentant du SYTJUS
Messieurs les représentants de la société civile (Amnesty, LSDH,
RADDHO, Forum civil, ONG 3D)
Monsieur le représentant de l’USAID,
Messieurs les anciens présidents de l’UMS
Chers invités,
Chers collègues
mesdames et messieurs en vos rangs et qualités respectifs ;
Chers invités,
Madame le SG,
Je me réjouis de vous voir ici à nos côtés, pour présider la cérémonie d’ouverture de ce séminaire au nom du ministre de la justice que vous avez l’honneur de représenter. Je tiens, au nom du bureau de l’UMS et au nom de tous les magistrats, à lui adresser nos sincères remerciements. Pour avoir eu l’honneur et le plaisir de vous connaître depuis de longues années, je puis témoigner ici de la manière la plus sincère, que votre présence à ce séminaire, n’est pas fortuite; elle traduit aussi votre attachement indéfectible aux idéaux de notre Union et au-delà, à ceux de la Justice que nous avons le privilège de servir . Chers invités, malgré un contexte que nous savons tous, contraignant, vous avez tenu à rehausser de votre présence cette journée de que nous organisons Permettez-moi, au nom de tous les magistrats, de vous adresser nos chaleureux remerciements. La présence dans cette salle, de personnalités aux profils aussi variés et riches, est révélatrice de la place que la Justice occupe dans notre vie et celle de la nation. C’est surtout la preuve, s4il en était besoin, qu’au-delà de la diversité de nos positions respectives, nous partageons le même idéal : celui de voir notre chère Justice faire honneur à son rang en sachant, en permanence, tenir la balance égale entre le riche et le pauvre, le faible et le puissant, l’illustre et l’inconnu.

Certains peuvent s’interroger sur l’opportunité de tenir une rencontre sur ce thème de l’indépendance de la justice qui a déjà fait l’objet de plusieurs séminaires, alors même que notre système judiciaire est confronté à bien d’autres difficultés qui méritent tout autant, notre attention. Je pense, en particulier, à la question de la détention, à l’engorgement des prisons, à la célérité dans le traitement des affaires, à l’état des locaux de nos juridictions, aux défis que pose la pandémie à l’administration de nos juridictions.
D’abord, je voudrais relever que, sur bon nombre de ces questions, l’UMS a déjà organisé des activités scientifiques qui ont donné lieu à des échanges fructueux et ont permis de renforcer la capacité des praticiens que nous sommes. Ensuite, si nous insistons autant sur la thématique de l’indépendance de la justice, c’est bien parce que nous avons pris l’exacte mesure des enjeux de cette thématique. Le service public de la justice peut, certes, souffrir de dysfonctionnements liés au manque d’équipements, de locaux ou de personnel ; il n’en perdra pas pour autant, nécessairement, sa crédibilité. Mais dès lors que, aux yeux du public, elle donne l’impression de manquer d’impartialité ou d’indépendance, la Justice perd une bonne partie de ce qui fait sa force : la confiance des justiciables.

Sans une indépendance garantie et assumée, la justice perd en crédibilité et en autorité. Car ce n’est pas la force qui fait la justice, mais, plutôt, la justice qui fait la force. Par conséquent, travailler à préserver ce lien primordial de confiance constitue un devoir pour chacun de nous. Ce « nous » s’adresse, en premier lieu, aux acteurs de la justice qui doivent adopter, en toute circonstance, une posture de neutralité et incarner la figure de tiers impartial et désintéressé. Ce « nous» s’adresse, aussi, aux décideurs et responsables de tous bords, qui doivent tout mettre en œuvre pour préserver la respectabilité de l’institution judiciaire et, le cas échéant, l’ajuster aux standards modernes d’une justice indépendante et impartiale. L’Etat de droit est une œuvre jamais achevée et une conquête de tous les jours. Le Sénégal peut se targuer d’avoir, de l’indépendance à nos jours, franchi bien des paliers à travers la consécration de droits et libertés dans des domaines aussi cruciaux que ceux de la liberté de la presse ou le pluralisme politique. La justice, pilier essentiel de cet Etat de droit, n’est pas restée en marge de cette dynamique. Elle a aussi subi la loi de l’évolution à travers notamment les réformes du CSM. D’abord en 1992, avec la loi organique modificative n° 92-26 du 30 mai 1992 qui a procédé à l’extension des compétences du CSM aux magistrats du parquet ; Ensuite en 2017 avec la loi 2017-11 du 17 janvier 2017 portant organisation et fonctionnement du CSM, qui a porté le nombre de membres élus de trois (03) à quatre (04). C’est précisément cette dynamique d’ajustement et de modernisation qu’il nous faut poursuivre, au nom de l’approfondissement de notre Etat de droit. Ainsi, l’appel incessant à la mise en œuvre de réformes ne doit pas être assimilé à une remise en cause du passé, bien au contraire. Honorer nos illustres prédécesseurs, ce n’est pas s’accrocher à leurs réalisations, mais s’inscrire dans leur dynamique. Comme nous le dit si bien Jean Jaurès « C’est en allant vers la mer que le fleuve reste fidèle à sa source ».

Du reste, la voie semble déjà toute tracée par les acteurs de la famille judiciaire, à travers le Comité de concertation sur la modernisation de la justice mis sur pied par le Ministère de la justice en mars 2018. Dans ses conclusions, ce Comité, composé des représentants des magistrats, des avocats, des huissiers, des Notaires, des experts et de la société civile, a formulé des propositions de réformes dont la mise en œuvre est devenue plus que nécessaire. Au cours des travaux de ce matin, les participants auront l’opportunité de se pencher sur deux aspects de ces propositions de réformes : le statut du parquet et le Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Au sujet du parquet, le diagnostic, fait par les acteurs de la Justice et qui est régulièrement conforté par la pratique judiciaire, révèle que la subordination à l'autorité politique, sans distinction entre attributions administratives et judiciaires, fait peser sur cette entité et, par ricochet, sur la justice tout entière, un soupçon permanent de collusion et d’instrumentalisation, préjudiciable à l’image et à l’autorité du Pouvoir judiciaire. Quant au CSM, organe capital considéré, à juste titre, comme la clé de voûte de l’indépendance de la justice, sa réforme nous semble plus que jamais nécessaire, au regard de l’inadéquation entre la mission qui lui est assignée et ses règles d’organisation, de composition et de fonctionnement. C’est pour mettre en exergue l’importance d’un tel organe que Jean Gicquel, commentant la loi française du 30 Août 1883 qui constitua la Cour de cassation en Conseil supérieur de Justice, disait qu’il s’agissait d’un « texte fondateur de la justice républicaine en ce qu’il créa, conformément au principe de la séparation des pouvoirs, un organe d'interposition destiné à protéger l’indépendance des juges ». Le paradoxe de notre CSM, qui est aussi son principal handicap, c’est qu’il est chapeauté et piloté par celui-là même dont il est censé limiter l’influence. L’heure semble donc venue de procéder à un changement de paradigme, à travers entre autres mesures, l’autonomisation du CSM et l’instauration de la procédure d’appel à candidature, qui permettront à cet organe d’assumer sa mission, au mieux des intérêts de la justice et des justiciables.
Mesdames et messieurs,
L’intérêt de ce séminaire tient moins au contenu de ces propositions de réformes, que beaucoup d’entre nous ici connaissent du bout des doigts, qu’à la nécessité de sensibiliser sur leurs enjeux qui dépassent, de loin, le cadre professionnel des magistrats. En effet, nous avons la ferme conviction que la mise en œuvre de ces réformes aura le triple avantage de faire gagner la Justice, en crédibilité, les citoyens, en sécurité, et l’Etat de droit, en solidité Que faut-il de plus pour convaincre de l’opportunité de leur mise en œuvre ? Clemenceau disait, fort justement, que : « La guerre est une chose trop grave pour être confiée seulement à des militaires ». De même, la mise en œuvre de ces réformes met en jeu trop d’intérêts, pour n’être plaidée que par des acteurs de la justice. Aussi espérons-nous qu’au terme de ces échanges, chacun d’entre nous sortira d’ici plus résolu que jamais et disposé à jouer sa partition pour l’avènement d’une justice plus indépendante et plus crédible.
Chers collègues,
Nous avons la redoutable mais exaltante mission de rendre la justice. Beaucoup d’entre nous font preuve, dans l’exercice de leurs fonctions, d’une abnégation et d’une ardeur qui en disent long sur l’amour qu’ils portent à Dame Justice. Aussi est-ce avec beaucoup de peine que nous entendons nos concitoyens adresser des critiques parfois acerbes à cette institution judiciaire à laquelle nous sommes si attachés. Vous me permettrez donc d’en dire quelques mots, avant de conclure : Le propre de tout service public, la justice en est un incontestablement, c’est d’être régulièrement soumis à la critique de la société qu’il est appelé à servir. C’est particulièrement vrai pour la justice qui, chaque jour, s’invite dans la vie et l’intimité des citoyens. C’est cet intérêt que l’opinion a toujours porté à la Justice qui a fait dire au Chancelier d’Aguesseau, dans sa harangue aux juges du Parlement de Paris, à la Saint Martin de 1708 que : Elevés au-dessus des Peuples qui environnent votre Tribunal, vous n’en êtes que plus exposés à leurs regards. Vous jugez leurs différends, mais ils jugent votre justice. Le public vous voit à découvert, au grand jour, que votre dignité semble répandre autour de vous ; et tel est le bonheur ou le malheur de votre condition que vous ne sauriez cacher ni vos vertus, ni vos défauts. Toutefois, le droit de critiquer ne doit pas tourner au culte du déni. Car chaque jour, et je prends à témoin les nombreux concitoyens qui, régulièrement, arpentent les couloirs de nos tribunaux, des centaines, voire des milliers de décisions sont rendues dans des conditions de transparence totale et dans des délais plus que raisonnables. Tout cela, on le doit à la qualité de la formation dispensée par le Centre de formation judiciaire (CFJ) ainsi qu’aux efforts en équipements fournis par les autorités étatiques. Mais on le doit aussi, et surtout, à l’abnégation et au sens élevé de responsabilité des membres du personnel judiciaire qui, toutes catégories confondues, font la fierté de notre pays et méritent, de ce fait, respect et considération. Sachons donc raison garder ! Néanmoins, le devoir d’objectivité nous oblige aussi à reconnaître que notre système judiciaire comporte des limites certaines que nous gagnerions à identifier et à corriger, pour le bien de tous. Par conséquent, certaines critiques qui émanent de nos concitoyens, au nom de qui nous rendons la justice et dont on ne peut contester le bien fondé, doivent être accueillies avec humilité et traitées avec clairvoyance. C’est tout le sens de l’atelier d’aujourd’hui par lequel nous appelons à l’instauration d’un débat serein, responsable et constructif, qui nous permettra de baliser le chemin vers un horizon meilleur.
Le Coran nous enseigne que la paix est fille de la justice et de la droiture : «wa salam man ittabahal houdaa » . Évertuons-nous à semer la graine de la justice et de l’équité afin que, par la grâce d’Allah le Tout-Puissant, puisse germer et grandir dans notre cher Sénégal, l’arbre de la paix et de la concorde.
Je vous remercie de votre aimable attention !

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